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ne se leva pas elle avait des « lourdeurs », disait-elle, — l’excellente créature, comme d’habitude, cachant ses douleurs afin de ne pas attrister les siens. Mais le quatrième jour, la voyant encore ainsi, ne parlant pas, essayant vainement de me sourire, la chère, une effroyable inquiétude m’étreignit : j’empruntai un boghey et partis chercher un médecin.

« Celui-ci habitait à seize milles de là ; il me fallut trois heures pour couvrir cette distance vu l’état des routes ; toutefois je trouvai mon homme chez lui. Ce praticien d’occasion n’avait pas, certes, fait de fortes études, mais il avait de la probité professionnelle, et sa sincère compassion pour les souffrances de l’humanité le rendait attentif à en scruter les causes, ce qui lui donnait quelque expérience ; il prit sa valise de pharmacie et monta avec moi.

« Arrivé près de la malade, il l’ausculta avec soin, s’informant minutieusement des symptômes, puis après avoir longuement médité, il lui donna un remède quelconque ; mais le regard qu’il me jeta recélait une telle désespérance, que j’en restai anéanti.

« Dans l’après-midi ma pauvre femme eut une attaque (probablement nous avait-elle caché les autres), mais celle-là était terrible : l’œil dilaté, le regard fixe, semblant lutter contre un ennemi invisible, elle avait saisi ma main — moi qu’elle considérait comme son protecteur — et me disait éperdue dans son délire « Léon, je veux m’en aller d’ici » ! Puis, comme si une effroyable révélation lui fût venue : « Mon Dieu, je vais mourir !… Je ne veux pas mourir… Je ne veux pas mourir !… Et son désespoir était effrayant…

— o —

Monsieur Déry s’était levé sur ces derniers mots, dits d’une voix étranglée ; il fit quelques pas dans la