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distance, M. Michelet partage l’opinion de Vettori que nous avons rapportée plus haut, et en plusieurs endroits de son Histoire de la Réforme, il exprime ses immenses regrets que les Turcs n’aient pas dominé sur l’Italie, et n’aient pas vaincu l’Allemagne pour déblayer le terrain où devaient s’asseoir la Renaissance et la Réforme.[1] Et quels devaient être les premiers effets de leur occupation, si les Turcs avaient triomphé ? L’auteur le savait parfaitement ; on peut voir avec quel horreur il en parle au commencement de son ouvrage. Mais, puisque les Turcs, en définitive, étaient les ennemis des empereurs, vils exécuteurs des hautes œuvres du papisme en Allemagne, il témoigne ses regrets que, dans leurs guerres, ils n’aient pas été les vainqueurs.

Et quelles autres nations chrétiennes, de celles qui, voisines des Turcs, furent exposées à leurs entreprises, ne se sont trouvées dans la nécessité de préférer leur domination temporelle, plutôt que le joug abhorré du pape ? Est-ce les Bosniaques ? est-ce les Serbes ? est-ce les Volhyniens ? est-ce les Dacoroumains ? Je ne puis m’occuper ici des premiers ; j’en parlerai en détail lorsque j’aurai peut-être l’occasion d’écrire sur les persécutions qu’ont eues à subir les nations orientales sous la domination des Latins, depuis l’époque des croisades jusqu’à ces derniers temps[2]. Mais je m’arrêterai un peu sur les derniers, puisque les événements du jour m’y convient.

Il est désormais hors de toute contestation que les croisés furent la cause primitive de l’affaiblissement extrême de l’empire byzantin et de sa chûte définitive[3]. Mais ce qui échappe à l’attention de beaucoup de gens, c’est que de tout temps les puissances d’Europe furent, sinon les complices directs et avoués, très-réellement, du moins, les coopératrices de la puissance ottomane pour l’affaiblissement et la destruction des États chrétiens d’Orient, qui ne consentaient point à se soumettre à l’église du pape. Les Polonais, non ceux d’avant, mais ceux d’après l’immixtion et la prépondérance des Jésuites dans les affaires de leur pays, furent presque toujours, à l’instigation des légats du pape, les alliés des Turcs et des Tartares qui faisaient une guerre de dévastation et d’extermination contre les Russes. Si l’on trouve que les Russes, dans les derniers temps, se sont alliés avec les Turcs contre la Pologne, c’est par la loi des revanches : mais l’exemple venait de la Pologne.

    557 ; pars II, pages 1136, 1696 ; cité par Laurent. Études sur l’histoire de l’humanité, tome VIII, page 444.

  1. Michelet, Histoire de la Réforme, pages 308-340, 451-452, 471.
  2. Voir, en attendant, Gervinus, Insurrection et régénération de la Grèce, traduction française, tome I, page 16. — Comtesse Dora d’Istria, la Vie monastique en Orient, 2e édition, page 104. — La même, les Femmes en Orient, pages 184 et 212.
  3. Bignon, les Cabinets et les Peuples, page 213 et passim. — Sismondi, Histoire des républiques italiennes, chap. V, § 5.