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Est-ce le seul Grégoire VII qui a manifesté sa préférence pour les Sarrazins, plutôt que de se désister du concordat que la papauté a conclu avec celui que l’Écriture appelle le Prince de ce monde ? Il y en a d’autres encore. Son homonyme Grégoire IX préférait la domination des Sarrazins sur Jérusalem, plutôt que celle de Frédérik II, qui ne voulait point se courber devant sa suzeraineté. Il déclara qu’il considérait comme une profanation des saints lieux leur délivrance opérée par Frédérik ; il y mit l’interdit et lança les foudres de l’excommunication contre ceux qui iraient s’y établir. Son successeur, Innocent IV, alla jusqu’à écrire au sultan Melahadin pour l’exciter contre Frédérik ; mais le sultan se montra plus chrétien que le pape en maintenant les traités[1].

Faut-il rappeler que l’on a vu des papes pousser les Turcs contre les Vénitiens, lorsqu’ils se trouvaient en démêlés avec la république ? qu’ils les ont appelés contre le royaume de Naples, et que le débarquement des Turcs à Otrante fut provoqué par l’initiative papale ? Ce sont des faits connus de tout le monde.

Mais revenons à ce qui nous touche plus directement : les vœux criminels de Grégoire VII, d’écho en écho, retentissent jusqu’à notre époque. Lors de la guerre de la Russie alliée avec la France et l’Angleterre, pour revendiquer contre la Turquie l’indépendance des provinces helléniques insurgées, le cardinal Castiglione (depuis Pie VIII) manifesta son indignation contre ceux qui faisaient des vœux pour notre délivrance et souhaita formellement l’insuccès de cette expédition. De même dans une autre occasion, le moniteur du papisme en France : « Ah ! pour le coup, comme catholique, nous ne craignons pas de dire ni de répéter hautement : Plutôt mille fois le Turc ou le Tartare que le Grec ou le Russe. »[2] Et de quel pays s’agit-il ? Dans quel pays l’Univers catholique préfère-t-il la domination turque plutôt que le régime chrétien ? Il s’agit de notre patrie : c’est dans le propre héritage de nous autres Grecs[3]. Le Russe n’a rien à faire ici, puisque l’Europe n’y

  1. Michaud, Histoire des Croisades, tome III, page 44 et passim.
  2. L’Univers catholique du 23 août 1846. Ces deux informations nous sont gracieusement fournies par monseigneur Luquet, plaisant évêque d’Eusebon, dans l’introduction de sa traduction de l’ouvrage de Theiner : L’Église schismatique, etc., page 144 ; et il va sans dire que monseigneur Luquet partage ces sentiments. Ce fut ce même prélat qui, après la révolution de Février, fut l’instrument complaisant de Pie IX pour amadouer les Suisses, — disposés à abandonner l’Église de Rome, à la suite de la guerre du Sunderbund, — par des promesses fallacieuses de l’adhésion du pape au mouvement du progrès, à la transformation sociale du temps, au grand principe de la séparation de l’Église et de l’État. — Voir les détails de cette intrigue et les déclarations adressées au Vorort par monseigneur Luquet, comme nonce extraordinaire et ministre plénipotentiaire du pape, dans l’Indépendance belge du 25 janvier 1865.
  3. Ici encore il ne doit pas y avoir d’équivoque sur mes intentions. Le retour de ce