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Les Serbes et les Albanais, avant de se mesurer dans les guerres atroces que l’on sait avec les Turcs, avaient dû soutenir souvent des luttes non moins acharnées, les unes avec les Hongrois, les autres avec les Vénitiens, et à peine échappés à ces luttes inégales contre les Ottomans, meurtris et mortellement épuisés, ils se retrouvaient de nouveau en face des ennemis de la veille. Si parfois ils les eurent pour alliés, ce ne fut que dans les moments suprêmes d’un commun danger ; mais après, on revenait aux anciens errements jusqu’à ce que ces nationalités disparurent de la scène politique du monde. Je reviens aux Dacoroumains, et ici je ne ferai que suivre M. Edgard Quinet dans son ouvrage : les Roumains.

Peu de temps après la prise de Constantinople, les Turcs passèrent le Danube et commencèrent la série de leurs féroces agressions contre les Roumains ; mais, dès la première tentative, ils se trouvèrent en face d’un héros, Étienne le Grand, qui avait déjà réuni sous son sceptre les deux principautés de la Moldavie et de la Valachie. Il battit souvent les Ottomans et les repoussa de son pays. Lors de ses premières victoires, il crut convenable, en signe d’estime, de bon voisinage et d’amitié, d’envoyer faire part de l’heureuse nouvelle et de ses trophées, au roi de Pologne, à celui de Hongrie, et même, comme le remarque lui-même M. Quinet, au patriarche de Rome.

Mais à quoi pouvaient servir ces avantages contre les armées musulmanes, et ces bons procédés envers les puissances qui se disaient chrétiennes ? Toutes les fois qu’Étienne sortait vainqueur d’une lutte suprême contre les Turcs, il avait sur les bras ou les Hongrois, ou les Polonais, ou les Allemands qui espéraient profiter de l’épuisement naturel après des guerres si désastreuses et lui ravir le prix de ses victoires. Mais leur conduite machiavélique ne leur rapportait aucun des fruits qu’ils espéraient. Étienne se tenait toujours sur ses gardes vis-à-vis de ces bons chrétiens, et chaque fois il les battit et les repoussa. S’il arriva quelquefois qu’ils s’allièrent avec Étienne contre les Turcs, ce n’était pas avec sincérité ni par dévouement à la cause commune : « Au moment où le péril est le plus imminent, dit M. Quinet, à Racova, on l’abandonne : les Polonais de Jean-Albert croient pouvoir l’achever après qu’il les a couverts à Vale-Alba. »

Michel le Brave aussi, prince de Valachie, eut à supporter les mêmes luttes et les mêmes épreuves avec des ennemis qui l’assaillaient de tous côtés. Après tant de vicissitudes et des efforts héroïques, les deux provinces durent succomber. Elles ne purent pas soutenir les agressions incessantes, et quelquefois même simultanées, des Turcs, des Hongrois, des Polonais et des Allemands. Mais telle était la perfidie de leurs ennemis de l’Occident et du Nord, que princes et peuples préférèrent, sur la recommandation d’Étienne le Grand, au moment de mourir, se fier aux Turcs plutôt que de se soumettre à des