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qu’à présent du moins. Les musulmans et les chrétiens qui le parlent se servent généralement des caractères de l’alphabet grec dans le peu d’usage écrit qu’ils en font ; une petite minorité fait seule exception. Les populations albanaises se trouvent en grande partie mêlées avec les Grecs qui habitent les mêmes villes, cultivent les mêmes champs. Tout ce qui est chrétien appartient presque entièrement au culte grec et emploie la même langue liturgique pour les besoins de ce culte.

Sans se l’expliquer peut-être eux-mêmes, mais par instinct, les Albanais sentent qu’ils ont avec les Grecs une commune origine, une commune destinée, un commun avenir. Depuis les temps d’Alexandre et de Pyrrhus jusqu’à la conquête romaine, depuis le moyen âge jusqu’à Georges Castriote, leur existence se trouva toujours liée au sort des Grecs[1]. Dans ces derniers temps, ils ont pris une part très-considé-

  1. Le nom turc de Scanderbeg avait été imposé à ce héros, lorsque, se trouvant en ôtage auprès du sultan, il fut contraint de se faire musulman. C’est Hammer qui, dans son Histoire des Ottomans, lui appliqua particulièrement cette dénomination. Mais celui-ci, au moins, écrivait son histoire basé sur des documents turcs. Les anciens historiens qui ont écrit en langues latine, italienne ou française, ne lui reconnaissent, à peu d’exceptions près, que le nom de Castriote.

    De quelle indignation n’aurait-il pas été saisi, ce héros chrétien, si on lui eût prédit que la postérité ne le connaîtrait que sous un nom qu’il avait en horreur ! Ne lui doit-on pas cette justice, bien que tardive, de la restauration de son nom propre ? Mieux vaut tard que jamais. Qu’un écrivain de renom et d’autorité prenne l’initiative, et le devoir portera les autres à le suivre.