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souvenirs d’un fantôme

un goût infini. Ma bande campait aux environs ; elle était la terreur de la contrée. Annette m’en parlait souvent ; car, chaque jour, aux heures où la paysanne venait à la fontaine, je m’y rendais exactement. L’amour est une chose étrange ; il nous domine, on ne sait pourquoi ; j’éprouvais auprès d’Annette des sensations que, jusque-là, je n’avais point connues : la plus bizarre, sans doute, était le respect involontaire que je portais à cette douce créature ; je ne lui aurais pas fait violence quand même je n’aurais pu la posséder que par ce moyen.

Elle, de son côté, ne me cachait pas son contentement naïf : elle manquait de finesse, de coquetterie, ainsi qu’en ont tant les Nîmoises, des Arletinques, les Montpelliaises, et celles de Metz et Pézénas : sa tendresse naissante éclatait dans sa sincérité ; que j’étais un heureux voleur !