Page:Lamothe-Langon - Souvenirs d'un fantôme - Chroniques d'un cimetière, Tome I, 1838.djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
SOUVENIRS D’UN FANTÔME.

Sancie arrêta dans sa bouche le refus qu’il voulait prononcer. Sancie avait seize ans, sa beauté venais d’éclore. Les troubadours de la province, depuis plus d’une année, célébraient déjà ses attraits dans leurs sirventes galants[1]. Armin, barde fameux d’Écosse[2], l’avait instruite dans l’art de la poésie. Souvent, pendant les banquets splendides où son père invitait les chevaliers du voisinage, ses doigts, errant avec légèreté sur la guitare, accompagnaient ses accents sublimes. Tour à tour elle formait des chants légers, des hymnes victorieuses sur les hauts-faits de l’auteur de ses jours. Sancie joignait, aux talents qui ornent l’esprit, les graces qui parent la beauté. Un seul défaut

  1. Sirventes, nom que l’on donnait alors aux poèmes des troubadours.
  2. Les bardes étaient les poètes du Nord. Ulin, Armin, Ossian furent les plus fameux.