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venu clairaud, puis, en dernier, tout a poussé dru : de la belle avoine bien fournie, de l’orge, du foin prends-en en v’la. Je me suis logé, j’ai bâti un hangar, puis un fournil. Tout ce que vous voyez ici est l’ouvrage de mes mains. Non, on ne peut pas s’en aller comme cela du jour au lendemain. Je vous dis que, mort ou vivant, je reviendrai sur ma terre ! »

Il se tut, et s’assit, calme et sombre. Il parlait sans excitation comme s’il avait toujours pensé ces choses et comme si ses paroles ne devaient surprendre personne. Alors, tous se turent. Autour d’eux, en eux ils sentaient la présence des morts. Et eux-mêmes, sous la froide lumière des vieilles lampes à l’huile, dans cette tristesse de novembre, avec leur front pâle et leurs regards effacés ils ressemblaient à des morts anciens qui seraient venus s’asseoir à la place accoutumée.