Page:Lamontagne-Beauregard - Récits et légendes, 1922.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 38 —

Il achevait de vieillir, seul, parmi les vieilles choses qui n’ont plus rien à faire. À quoi pensait-il le vieux rouet, à quoi pensait-il dans le mystère des nuits, et la douceur des jours ?… Sans doute, il se rappelait les heures de joie, si lointaines, où, plein de vie et de jeunesse, il tournait sous la main de cette jeune femme au fin profil, qui souriait à son premier-né. Il la revoyait, jeune d’abord, rayonnante, assise chaque jour dans la même chaise, près de la même fenêtre, filant sous le soleil qui dorait son front lisse et l’habillait de lumière. Ensuite, il la revoyait moins jeune, avec des cheveux blancs et des rides, puis, vieille et brisée, mais toujours fidèle à ce rouet qu’elle aimait. Enfin, il la revoyait morte, étendue, pâle et froide, sur un lit blanc… Et le vieux rouet était triste, seul, dans la poussière du grenier…