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LÉGENDES GASPÉSIENNES.

la vit et l’aima. Ils s’aimèrent tous deux comme on s’aime dans les premières amours. Les forêts profondes, les joyeuses plaines retentissaient du murmure de leur joie, des échos de leurs chants. Ils couraient sur les grèves, en se tenant la main, et l’immensité de la mer semblait émue de leur bonheur…

Mais un jour — ô jour cent fois néfaste ! Julien en connut une autre qui n’était pas plus jolie que Geneviève, mais cent fois plus enjôleuse, brune avec des yeux de feu, charmeuse comme une sirène, et perfide comme un serpent. Julien en devint fou d’amour, et il abandonna la douce Geneviève.

Depuis lors, la pauvre enfant fut prise d’un chagrin mortel. Son beau front s’assombrit, ses joues se creusèrent, et les larmes coulèrent de ses yeux comme deux ruisseaux. Le soir, après le soleil couché, quand elle errait le long des grèves et par les champs embaumés, sa voix plaintive se répandait dans l’épaisseur des buissons… Sa plainte se mêlait à tous les échos, s’élançait au-dessus de tous les monts et se confondait, triste et lugubre,