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LÉGENDES GASPÉSIENNES.

lard n’attendait pas d’invitation, et lisant dans les regards le désir de chacun, il nous racontait avec entrain ces étranges histoires qui ont pris naissance sur les bords du grand Saint-Laurent.

D’un geste demi las, demi léger, il portait sa pipe de plâtre à sa bouche délicate, rose encore comme une fleur qui ne veut pas mourir… Il se recueillait soudain, puis son œil fin, miroitant de tous les feux de la mer, semblait courir de par le monde… Alors, d’une voix légère comme une voix de femme, il commençait son récit.

Ce jour-là, il avait une prédilection pour les histoires d’amour… Les souvenirs, sans doute, comme un brusque essaim d’oiseaux sauvages, se levaient dans son âme ancienne et réveillaient le passé. Le ciel de sa jeunesse s’était illuminé… Et le vieux fermait ses petits yeux pour mieux voir les choses qui n’existaient plus… Il y a dans toute vie de ces jours où le passé est maître. Il s’installe dans notre âme, s’empare de toutes nos pensées, de toutes les forces de notre esprit, et nous inondant d’une joie profonde, il se retire en lais-