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LA FILLE D’ADOPTION.

Il se recueillit longuement, retenant de ses mains frémissantes les battements de son cœur oppressé. Puis il se leva, sa décision était prise. Dans la noblesse et la dignité de son âme il ne pouvait pas refuser à ces gens le bonheur de reprendre leur enfant…

« Va, dit-il, va, ma fille ! Suis-les ! Ils t’aiment. Sois bonne pour eux. Dieu te récompensera ! » Les sanglots étouffaient sa voix. Il éleva la main pour bénir celle qu’il ne devait plus revoir. Puis ils partirent tous trois, et dans le chemin bordé de sombres et mystérieuses forêts, longtemps il les regarda disparaître, le cœur gonflé d’une inexprimable tristesse, et répétant les paroles du saint homme Job : « Seigneur, vous me l’aviez donnée, vous me l’avez ôtée, que votre saint nom soit béni ! »…

Il mourut quelques années plus tard et ne sut jamais ce qu’était devenue cette exquise montagnaise qui avait été sa fille d’adoption…