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LA FILLE D’ADOPTION.

La femme du seigneur, malade depuis plusieurs années, tricotait paisiblement dans sa chaise, les épaules recouvertes d’un châle de laine du pays. Le vent s’élevait de plus en plus, et les flocons de neige venaient s’abattre en nuées contre les vitres. C’était une grande brise du Nord qui, sortant de la bouche du Saguenay, courait avec violence sur la rive opposée et sifflait dans les cheminées toute la nuit. Parfois, la bourrasque s’apaisait un peu et soufflait à peine, mais tout-à-coup elle éclatait avec une furie soudaine, hurlant dans les airs comme une multitude de démons déchaînés. Tantôt, cela jetait des cris aigus et perçants qui faisaient sursauter, tantôt cela s’abattait sur la maison avec un bruit de tonnerre, secouant portes et fenêtres ; puis, à la fin, cela s’adoucissait, et devenait une espèce de plainte, sinistre à faire trembler… La marée montante rugissait dans l’ombre. On entendait au loin les vagues se briser l’une après l’autre contre les glaces des grèves avec un bruit semblable à des décharges de canon. Et la bourrasque de plus en