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HISTOIRE D’UNE JUMENT NOIRE.

après-midi, la Noire — c’était son nom — était attelée sur la plus belle voiture et ma mère et mes sœurs se promenaient. Devant le seuil la jument trépignait, grattant le sol de son sabot luisant. Elle avait hâte de partir. Dans ses yeux de velours on pouvait lire une grande joie. Il semblait que ses yeux disaient : « Dépêche-toi ma petite Jeanne ! tu vas voir comme je vais filer sur la route, tu vas voir comme je t’aime ! »… Ah ! c’était une belle bête, et qui se tenait crânement dans l’attelage, je vous l’dis, mes enfants ! Au retour, la petite Jeanne lui donnait du sucre dans sa main, et la vaillante petite bête était heureuse.

Mais un jour — comment vous décrire ces heures affreuses ! — Notre petite Jeanne mourut. C’était l’automne, le vent du nord soufflait avec violence, mêlé de grêle et de neige. Une brume humide flottait sur la campagne. Surprise aux champs par ce froid glacial notre petite sœur fut prise d’un mal atroce à la gorge et mourut au bout de cinq jours, malgré tous nos efforts pour la ramener à la vie.