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IVON LEFRANÇOIS.

brume, les ballottements durant des semaines sur une mer sans cesse agitée, il connut toutes ces angoisses, toutes ces horreurs. Bien des fois, durant les affreuses tempêtes, il vit la mort de près. Le vieux brick, fatigué de ses longs voyages, geignait sous la violence du vent. Les drisses sifflaient, le beaupré craquait, et souvent la misaine creva comme une bulle de savon. Les hommes, craignant d’être emportés par la vague, s’attachaient aux mâts avec des cordages. Ivon passa ainsi de longues nuits, glacé jusqu’aux os, presque mort d’épouvante et de froid.

Mais il ne cessait de penser à la Louise. À travers le vent qui faisait rage, il la voyait qui lui souriait, il l’entendait qui lui parlait, de sa voix adorable… Il allait joyeusement au supplice comme les martyrs qui, transportés d’amour, marchaient les yeux fixes, les bras tendus vers la souffrance, gage d’éternelle joie…

Il revint au bout de dix ans avec une petite fortune. Aussitôt de retour au village de son enfance, il courut, fou de joie, ivre d’amour, vers la maison