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LE PORTRAIT

ge, et de l’étouffer là comme un chien !… Cette pensée roula dans sa tête avec des lueurs de sang… Le tuer, lui, le voleur qui lui avait pris son bonheur… Le tuer… Pourquoi pas ? On a bien le droit de tuer le bandit qui vient pour nous dépouiller ? Et lui, n’était-il pas plus coupable que le voleur de grand chemin ?… La honte, le déshonneur d’être un assassin, l’horreur du bagne ou de l’échafaud… que lui importait tout cela maintenant ? De la vie il n’en voulait plus ; que pouvait-il en faire puisque sa bien-aimée n’était plus là ?… Et puis, après l’avoir tué, il pouvait fuir… Le bois est grand pour se cacher. On ne le retrouverait peut-être jamais. Il gagnerait les États, à pied à travers la forêt… Toute la journée il vécut avec son rêve de vengeance, les traits crispés, les poings serrés, ayant déjà les gestes d’un assassin…

Dans la veillée, à la faveur de l’ombre, il se dirigea vers la maison des L’Heureux, dans le dessein d’accomplir son acte vengeur… Il marchait à petits pas et sans bruit. Dès qu’il voyait venir quelqu’un, il se jetait dans les