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n’est pas encore traversé. Elle ne pense plus à rien, elle ne voit plus rien que la féerique église, et ses lumières, et sa crèche. La douleur naît dans ses membres et la sueur sur son front. La vache, haletante, inquiète, s’est arrêtée aussi. Elle ne peut pas aller plus loin. Voilà maintenant qu’il commence à neiger et que le vent s’élève. Est-ce un crépuscule éternel ou une aube interminable ? La cime des arbres s’agite. Des nuages noirs passent en rafales. La vieille Flavie essaie d’avancer encore. Sa bouche est amère et ses yeux sont lourds, mais dans la trouble clarté elle distingue toujours un clocher lumineux, des ailes angéliques, et l’Enfant-Jésus, et les Bergers, et les moutons… Elle se relève et retombe, se relève et retombe encore. Cette fois, elle ne se relèvera plus. Ses membres glacés refusent tout effort. Le froid maintenant mord sa chair sous les hardes, et l’air est coupant comme une lame d’acier. Sa compagne aussi, se laisse tomber. Elles se serrent l’une contre l’autre comme elles ont coutume de faire pour se réchauffer. Et la neige tombe sur elles, lentement, lourdement. Et le vent, et la tempête, forces irrésistibles, les couchent toutes deux,