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jetaient de longues ombres sur la blonde colline. À côté était encore le petit pont ployant sur l’eau bleue du ruisseau. C’était vers la fin du jour, en été. Déjà l’automne commençait de roussir les coteaux. Les parfums maritimes qui montaient des grèves se mêlaient à la bonne odeur des champs mûris. Les petites sources chantaient dans les savanes. Des nuages blancs s’enroulaient en écheveaux, et tournaient, tournaient dans un océan de lumière. Le seuil de la maison me fit battre le cœur. La cheminée fumait. La porte était ouverte À l’intérieur, je voyais des enfants qui jouaient, une jeune femme qui allait et venait. « Si je l’avais voulu, me disais-je, les larmes aux yeux, si je l’avais voulu, cette maison serait à moi ; ce bonheur serait le mien ! Chaque jour je viendrais m’asseoir à cette table, et j’y mangerais dans la paix et l’amour le blé levé dans mes propres sillons. J’aurais à mes côtés une femme joyeuse, et sur mes genoux des enfants babillards. Hélas ! hélas ! je n’ai que la misère. Je couche sur la paille des granges, dans l’herbe des fossés, et je suis le plus malheureux des hommes ! » Le maître de céans, revenant chez lui, arrivait justement