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au large plus que d’habitude, le soir, je trouvai la maison vide… J’appris qu’elle s’était embarquée le matin même sur un vapeur qui partait pour l’Angleterre ; et depuis je n’en ai jamais entendu parler. Je connus alors le désespoir le plus terrible qui se puisse imaginer. J’errai pendant des semaines sur les grèves, criant et l’appelant, croyant que quelque lointain vaisseau allait la ramener. Mais elle ne reparut jamais. Après avoir pleuré toutes les larmes de mes yeux, sortant de cette épreuve comme d’un horrible cauchemar, je me retrouvai maigre, vieilli, pauvre, sans aide et sans soutien. Alors, je n’eus plus qu’une idée : retrouver ma grand’mère, lui demander pardon et refaire auprès d’elle mon existence brisée…

Je fis de mes vieilles hardes un paquet que je mis sur mon dos, et je partis à pied comme un gueux. Je ne me rappelle plus pendant combien de temps je marchai. La tête me brûlait ; j’étais comme fou. Quand j’aperçus la maison de mon enfance, le cœur me battait à grands coups… Je la reconnus bien vite cette pauvre et vieille maisonnette, petite, presque jolie, à demi cachée dans un bosquet de peupliers qui