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Puis je grandis. Bientôt, je commençai à défricher avec elle le lopin de terre que la broussaille avait envahi. Il y avait encore de la neige entre les souches, que déjà nous étions courbés sur les mottes de terre et les troncs d’arbres enracinés. Tout un printemps et tout un été nous travaillâmes avec un acharnement monstrueux, couverts de sueurs et de terre, brûlés par le soleil, piqués par les mouches, d’autres fois les mains et les pieds engourdis par le froid. Les brumes du soir tombant sur les collines nous trouvaient à notre rude tâche. Mais ma grand’mère avait l’énergie d’un homme et la force d’un lion. Elle venait à bout des plus grosses souches, et c’est elle qui soulevait les fagots que je pouvais à peine remuer. « Pour toi, mon « fi », disait-elle, aucun fardeau ne me paraît trop lourd ! Tu vas donc te trouver établi. Et ce qui reste d’arbres, là-bas, devant nous, nous abattrons tout cela l’année prochaine avec un peu d’aide des voisins. Oui, nous en viendrons à bout, mon « fi » ! Ensuite, tu pourras te marier. La petite Jeannette à François te ferait une femme accomplie… Elle t’aime déjà, je le sais… Et quelle est la fille qui ne t’aimerait pas, mon « fi » ?… La pauvre