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gros bœuf roux tenait les mancherons d’une charrue et labourait la terre. Sa silhouette et ses gestes lents se détachaient carrément sur l’horizon. Cet homme m’apparaissait comme un géant de l’antiquité en train d’ouvrir les premiers sillons. « C’est mon oncle, dit Marie-Jeanne. Il est vieux et il travaille comme un jeune. C’est lui qui fut, ici, le premier cultivateur. Ce qu’il a souffert, Dieu seul le sait ! Il a, pendant des années, vécu de pain noir. Et, pourtant, il est bien gai, tu vas voir. »

Près de la maison, se voyait un grand jardin avec de hauts arbres. Des marches de pierre conduisaient au seuil. Tout était ancien et rustique dans cette maison. Tout y annonçait l’austère travail, le bien lentement amassé par efforts acharnés et persévérants. En entrant, on se trouvait dans une grande cuisine, une humble cuisine avec une haute pendule, des casseroles de fer-blanc, des cruches de grès et des plats suspendus. Cela sentait le chou cuit et la crème fraîche… Ô bonne senteur des cuisines de chez nous, que vous avez d’attraits pour ceux qui arrivent et qui ont faim ! Je rêvais déjà de lait crémeux et chaud, et de légumes lentement mijotés avec du lard et garnis d’un bouquet de ciboulette…