Page:Lamontagne-Beauregard - Au fond des bois, 1931.djvu/66

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— 66 —

des flots. Quand je pénètre au fond de la forêt, je suis impressionnée comme en entrant dans une église, et j’écoute les arbres qui grondent comme de grandes orgues… Pour moi, la forêt a quelque chose d’humain. Regarde ce vieux pin qui penche son front décharné sur les bords de la petite rivière. N’a-t-il pas la dignité du vieillard que la vie a dévasté, mais qui est resté noble et grand sous l’épreuve ? Vois-tu ses feuilles qui retombent comme une vieille guipure ? Et son tronc, couvert de mousse, n’est-il pas marqué, ridé comme les fronts humains ? Que de tempêtes ont passé sur lui ! Et parce qu’il a souffert, il n’a jamais cessé de lever en haut ses bras suppliants… Cet arbre est une prière vivante ; il est comme la muette supplication de la terre au ciel. »

Enfin, Marie-Jeanne aperçut bientôt la mer, et à notre gauche, dans un bouquet d’arbres, la rustique demeure de sa tante. Un mince filet de légère fumée blanche sortait de la cheminée. La maison était vieille et basse, sans doute faite ainsi à dessein à cause des grands vents. Tout autour, le sol était déboisé et cultivé, couvert de foin ou de grains aux longs épis. Sur une petite élévation, un homme conduisant un