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sapins gardent leurs feuilles toute l’année, les grands cèdres et les érables les garderont encore quelques semaines, quelques jours seulement peut-être. En attendant leur dépouillement, quelle magie, quel enchantement pour les yeux qui savent voir ! Il y a du jaune soleil, du jaune doré, du rouge vin, du rouge sanglant, du rouge éblouissant. Et le brun ! Du brun clair de lune et coucher de soleil, du brun rosé, du brun couleur de fruits mûrs, brun des splendeurs éteintes… Ô forêt, je n’ai pas assez de mes yeux pour te contempler et de mon âme pour t’aimer !

Le petit coin de terre que mon père a défriché borde notre maisonnette à gauche. C’est un établissement de colon, et c’est le commencement de la ferme que mes parents rêvent de fixer dans cette immensité vierge. Nous sommes les premiers à envahir ces sauvages montagnes. Plus tard, bientôt peut-être, d’autres maisons s’élèveront près de la nôtre, mais aujourd’hui nous sommes seuls, et à dix milles des autres habitations.

6 novembre. — La fumée de notre toit monte plus libre maintenant, entre les branches presque nues. La forêt se dépouille peu à peu et les feuilles mortes tombent partout. Notre demeure en est enveloppée