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28 juin. — Je l’ai vu pour la dernière fois ce matin. Sortant d’un épais feuillage, où, sans doute, il m’attendait, il s’est élancé vers moi avec joie, en scrutant du regard les sentiments de mon âme. Mais ma décision était prise. Je me détournai tout de suite de son visage, et je fis de la main un geste qui voulait tout dire… Il comprit. Je le vis pâlir et reculer en me tendant les bras… J’avais mal de lui faire mal, et j’étais bien près de pleurer… En lui faisant toujours des signes d’adieu, je me suis enfuie, sans regarder en arrière. Tout est fini.

Ce soir, je suis seule à la maison, les hommes étant retournés au champ. Le jour achève de s’éteindre… Une à une, les collines riantes sombrent dans une brume grise et vaporeuse. Les grands chênes, secoués par la brise des nuits, se pressent autour de notre toit, comme des sentinelles. La forêt a l’air de comprendre ; elle chante amoureusement. Et, sur le mur de la grande salle, en son portrait au cadre étroit, la morte, la chère morte me sourit…

Août 1896. — Après la mort de mon père — survenue il y a six ans à la suite d’une longue maladie — je suppliai mon