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cette bonne maison qui nous a abrités des froids et des grands vents, cette maison deviendrait, par mon abandon, une « Maison Condamnée » ?… Je sais que mon père, laissé seul, abandonnerait la tâche, qu’il partirait et vendrait à vil prix ce bien si péniblement défriché… Des mains étrangères, peut-être, viendraient profaner ces travaux. Non, cela ne sera pas ! « La fleur des bois » (comme ils m’appellent) ne sera pas transplantée dans une terre lointaine pour y sécher, pour y mourir. Ô ma mère, votre regard m’implore dans l’ombre… Vous ne rougirez pas de votre enfant ! Votre demeure ne sera pas fermée, des êtres étrangers n’y viendront pas s’asseoir à votre place. Je vivrai et mourrai dans cette maison, et je garderai avec soin votre souvenir.

Ces lueurs, ces mirages de bien-être de nouveauté qui sont entrés dans ma pensée sans que j’aie pu crier gare, aujourd’hui je les repousse avec ardeur comme on repousse la tentation et le péché… Une force inconnue vient à mon secours. Les mille esprits de ces bois et toutes les voix du passé me défendent contre cette invasion étrangère.