Page:Lamontagne-Beauregard - Au fond des bois, 1931.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— 39 —

lui causa un refroidissement qui mit ses jours en danger. Il eut grande peur de se noyer quoique ses guides assurent que cet endroit n’offrait pas de profondeur dangereuse. Mais les effets furent plus funestes que la chose elle-même. Deux médecins mandés en toute hâte des paroisses voisines se tinrent sans cesse à son chevet. Que j’aurais eu du chagrin s’il était mort ! J’ai appris qu’il commençait à sortir. J’ai hâte de le revoir. Voilà des heures et des heures que je flâne autour de leur sentier dans l’espoir de le voir passer. Quelle est donc cette folie qui s’empare de moi ?…

19 juin. — Aujourd’hui j’ai examiné mon état d’âme avec les yeux de la vérité. Je me suis dit : Regardons les choses bien en face pour savoir ce qui en est. Je suis une fille de la solitude et des bois. J’aime mon isolement si peuplé, si vivant. La vie des forêts, les merveilles de la nature m’intéressent, me passionnent. Je vis contente au milieu de mes travaux et de mes pensées. Et voilà qu’un jeune étranger survient, un jeune homme efféminé aux mains blanches et fines. C’est un inconnu, né à des centaines de lieues d’ici, dont je ne connais rien du passé, et qui vit d’une vie