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8 juin. — Il m’aime. Il ne me l’a pas dit, mais je le vois, je le sens !… Voilà trois fois qu’il s’approche et me parle… Hier, il s’est assis près de moi dans l’herbe, et comme il ne parle pas beaucoup le français, il passait son temps à jouer avec les feuilles et à me regarder. Pour s’amuser il a tressé une couronne avec des branches de fougère. Ses mains venaient facilement à bout de toutes ces tiges rebelles ; je ne puis m’expliquer tant de souplesse dans des doigts masculins… Quand cette guirlande fut finie, il me la posa sur la tête, entremêlant les légères feuilles vertes à mes longues mèches de cheveux bruns. Il fit un « Oh ! » qui disait bien toute son admiration, et j’eus sans cesse sur moi son œil joyeux et profond… Sans doute, je lui rappelais quelque joli visage de son pays !…

Oui, je dois lui rappeler quelque fille de son pays qui lui écrit souvent, sans doute, car il reçoit beaucoup de lettres. Ah ! cette pensée me rend jalouse !…

18 juin. — Je viens de vivre des jours bien tristes. Mon « ami » a été malade, très malade. Il fut trois jours entre la vie et la mort. Une chute qu’il fit dans la rivière en glissant d’une roche limoneuse,