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une abondante cueillette. Après avoir entendu des craquements de branches et des pas, j’aperçois, devant moi, le jeune étranger, saluant jusqu’à terre, et souriant comme un soleil de mai. Avec une foule de gestes, entremêlés de mots français et anglais, il me fait comprendre que les autres l’ont devancé, qu’il veut les rejoindre à la rivière, et qu’il ne sait quel côté prendre. La forêt est si épaisse ; on peut s’égarer facilement dans ses profondeurs. Moi j’en connais tous les détours ; je lui indiquai tout de suite le sentier. Il me remercia avec effusion. Ah ! ce sourire, je crois que jamais je ne l’oublierai !…

5 juin. — Ce sourire, j’y pense encore. Il me semble qu’il y avait dans ce sourire quelque chose qui parle, quelque chose d’affectueux et de profond. Pour me sourire de cette façon il faut que je lui plaise… Mais qu’ai-je donc pour lui plaire à ce garçon qui a vu tant de choses, qui a connu tant de monde ? Est-ce que je serais jolie ?… Cette pensée me trottait dans la tête depuis le matin. Je ne savais pas comment est mon visage ; (nous n’avons pas de miroir : il n’y en a que chez mon oncle le riche) ; mais j’ai songé au miroir des sources, et