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assise, la table où vous preniez votre place quand le repas était à tous servi, le rouet qui est là avec son écheveau abandonné ; les rideaux que vous avez cousus, les tapis que vous avez tissés… Y a-t-il ici quelque chose qui ne soit œuvre de vos mains ?

Le 28 mai. — Nous avons dans notre forêt des hôtes inattendus. Quatre riches Américains partagent, pour quelques mois, notre solitude. Ils ont le droit exclusif de la pêche au saumon dans la rivière de C. — qui est belle et profonde — et pour cela ils paient redevance au Gouvernement. Ce sont nos voisins qui les logent et les pensionnent. Ils sont trois hommes aux cheveux grisonnants, et un jeune garçon, qui a la taille d’une fille. Son père est un millionnaire de New-York. Il ne sait que quelques mots français : « Bonjour, Bonsoir, Mazelle, y fait beau »… Voilà plusieurs fois que je les rencontre, quand ils s’en vont à la pêche ou qu’ils en reviennent. Leur accoutrement annonce bien leur état de fortune. Ils ont des bottes de cuir qui leur vont aux genoux, des vestes de velours, des habits de drap fin comme je n’en ai jamais vu ; ils ont des fusils perfectionnés, des lignes à pêcher qui se roulent et se déroulent com-