Page:Lamontagne-Beauregard - Au fond des bois, 1931.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— 23 —

Providence reste sourde à de telles supplications…

27 novembre. — Le ciel a exaucé nos prières. Nous sommes sauvés ! Un gros morceau de viande d’orignal cuit sur le feu dans notre grand chaudron noir… Et cela sent bon… Oh ! que cela sent bon !… Voici ce qui s’est passé. C’était hier soir, vers huit heures. Nous venions de faire notre prière en famille, après avoir soupé d’un petit morceau de pain sec. Moi, je n’avais pas mangé ma part ; je la gardais pour Rougette… La lampe était éteinte, — nous l’éteignons pour ménager l’huile. Une grande tristesse pesait sur nous.

« Qu’allons-nous devenir ? » Telle était la pensée que nous nous cachions mutuellement et qui nous mettait le désespoir dans l’âme. Le lendemain ne s’annonçait pas gai, je voyais que ma mère était dévorée d’inquiétude, et je ne pouvais rien faire pour adoucir son malheur. Notre malade se portait difficilement sur sa jambe. Le lait, sa seule nourriture, allait bientôt lui manquer. Mon frère ne pouvait se rendre seul au village sans risquer de tomber dans un précipice, de s’égarer dans les bois ou d’être dévoré par les loups… Pour toute