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gémissements de la tourmente se mêlent aussi les faibles plaintes que mon père laisse échapper parfois quand sa plaie le fait trop souffrir. La neige tombe, les arbres craquent, le vent hurle. Impossible de bouger d’ici. Mon frère lui-même qui, malgré les supplications de ma mère, était décidé de partir en raquettes pour se rendre au village, n’y songe plus aujourd’hui. Les côtes, les ravins, les collines, tout va se trouver bouleversé par l’amoncellement de la neige ; personne ne pourrait s’y reconnaître.

Notre table, vraiment, n’est plus attrayante. Seulement du pain bien sec et le peu de lait que Rougette nous donne encore. Qu’allons-nous devenir ? Et quand cela finira-t-il ? Nous vivons dans une profonde angoisse, n’ayant confiance maintenant qu’en la divine Providence. Rougette beugle lamentablement dans son étable. La faim la tenaille. Je lui donne parfois quelques croûtes de pain que je prends sur notre maigre ration. Alors, la chère bête me lèche les mains, folle de joie. Mais, cela ne peut combler son immense appétit, et la déception demeure au fond de ses yeux tristes.

20 novembre. — Nous faisons notre neu-