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n’aurons plus bientôt de quoi nous nourrir. Il est vrai que nous avons le lait de Rougette. Mais ce lait va diminuer et se tarir parce que la pauvre bête est à la ration. Elle va maigrir de jour en jour, et si cette terrible épreuve se prolonge, nous serons obligés de… tuer Rougette et de la manger ! »

Cette dernière phrase tomba sur nous, comme une catastrophe. Tuer Rougette, notre belle vache rouge que nous aimons tant, et qui fait, pour ainsi dire, partie de la famille !… Mon Dieu, se peut-il qu’un tel malheur nous arrive ? Tuer Rougette pour la manger !… Cette pensée nous paraît plus affreuse que la mort même. Ma mère en a les larmes aux yeux… — « Nous commencerons ce soir, dit-elle, une neuvaine à la sainte Vierge. »

Ce soir, après avoir longuement prié nous nous sommes assis tous les quatre auprès de notre feu. Les reflets de la lune et ceux de la flamme nous donnent une lumière suffisante pour prendre notre maigre souper et pour vaquer à nos occupations. Que cette économie nous est utile, nous qui sommes sur le point de manquer d’huile !

Le vent ne soufflait plus. Il faisait un