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bien loin de nous. Ils ne peuvent d’ailleurs courir que sur la neige durcie, et dès qu’il neigera de nouveau il n’y aura plus aucune crainte de les voir apparaître ici.

16 novembre — Nous avons fait aujourd’hui le relevé de ce qui nous reste d’huile pour nous éclairer et de farine pour manger. Bien peu d’huile, bien peu de farine. De viande pas du tout. Rougette achève sa réserve de foin. Nous lui donnons sa ration de plus en plus petite, et la pauvre bête en demande davantage en se plaignant, et en fixant sur nous des yeux suppliants. — « Voilà, dit mon père, le résultat de ma négligence ; j’aurais dû prévoir ce qui arrive aujourd’hui. Si j’avais enseigné à Louis — c’est le nom de mon frère — la manière de reconnaître le chemin qui conduit au village, il aurait pu — avant que la neige tombe — se rendre seul au magasin pour chercher des provisions. Je comptais tuer soit un orignal, un chevreuil ou un caribou ; je n’avais aucune inquiétude de ce côté, car je sais depuis longtemps comment on s’y prend pour abattre ces grosses bêtes des bois. Mais, me voilà incapable de faire un pas… Comment pouvais-je penser qu’une chose semblable m’arriverait ! Et si cela dure, nous