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chetons qui lui donnent un air sévère et monastique. Elle est faite d’un bois verni qui a depuis longtemps cessé de luire. Son aiguille, semblable à un doigt de fer, se détache, rigide sur la pâleur du cadran. Sa robe brune est ornée en avant d’une grosse touffe d’églantines peintes à la main, et dont les couleurs sont à demi effacées par l’usure. On dirait quelque grande dame de jadis, en toilette démodée, qui garde dans sa décrépitude une apparence de splendeur… Il se dégage d′elle je ne sais quel aspect de mélancolie et de fatigue. Elle semble triste et lasse comme tous les êtres qui ont peiné et souffert.

— « Tu sais, mon enfant, continua le vieil Antoine, d’une voix de plus en plus vibrante, tu sais, aussi vrai que j’suis ici, cette horloge-là, elle a un cœur comme toi et moi… Vois-tu, c’est ma pauvre femme qui s’en est toujours occupée. C’est elle qui la montait, la réglait, lui donnait son air d’aller. On a tant besoin de cela, une horloge dans la maison ! Les femmes ne peuvent pas s’en passer. C’est elle qui leur dit quand est-ce qu’il faut faire du feu, mettre la table, allumer la lampe, soigner les poules, traire la vache… C’est elle qui dit