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Les champs sont rasés. La plupart des arbres sont nus. Le ciel semble se rapprocher de nous et venir à notre rencontre. En face de cette immensité attirante, la pensée ouvre ses ailes comme l’oiseau, et l’on a soif d’espace… Je marchais, je marchais toujours, et je m’aperçus que je me trouvais à l’extrémité du rang, juste en face de la maison du père Antoine Leroux.

Le vieux, assis dans les marches du perron, fumait sa pipe, tandis qu’un rayon de soleil jouait dans sa barbe blanche. Je connais depuis nombre d’années cet homme étrange, au visage patriarcal, aux yeux brillants et spirituels, aux allures débonnaires. Je connais sa parole facile, son amour du babillage, le talent naturel qu’il a pour raconter, discourir, raisonner. Je sais qu’il aime à conter ses peines, à faire des confidences, à s’entretenir avec tous, jeunes ou vieux. Il parle de ceci, de cela, de tout, de rien, avec un entrain particulier, et les mots tombent de sa bouche comme l’eau qui coule d’une source…

Depuis que, l’an dernier, il a enterré son épouse, le père Leroux est devenu un peu taciturne. Il vit seul comme un ermite, dans cette maisonnette pleine de souvenirs.