Page:Lamontagne-Beauregard - Au fond des bois, 1931.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— 122 —

Revêtu de son surplis des dimanches et d’une bande de drap fleuri en guise d’étole, il y « disait la messe » à sa manière et chantait le « Ite Missa Est » sur le même ton que M. le Curé. Angèle, toute ravie, l’écoutait les yeux levés au ciel. — « Que c’est donc beau de l’entendre ! » disait-elle à Mme Saint-Amand. Il récitait, matin et soir, avec une fervente piété, de très longues prières, et se complaisait dans la lecture des paraboles de l’Évangile.

Sur les conseils de M. le curé, qui assurait qu’il ferait un prêtre, ses parents le mirent pensionnaire au Collège de R. le plus proche de la région. Dès lors Angèle l’appela respectueusement : « Monsieur Pierre ». Et l’année suivante elle lui disait « vous », ne pouvant plus se décider à le tutoyer. Elle éprouvait devant lui une sorte de trouble fait de gêne et de ravissement. Son dévouement se muait en respect et sa tendresse en vénération. Chaque fois qu’il revenait du collège il rapportait un air plus grave et des récompenses plus nombreuses. Ce bagage de gros livres aux titres grecs et latins qu’elle ne pouvait déchiffrer la jetait dans la plus grande admiration. Il était devenu pour elle un personnage.