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intense que nous ne pouvons pas secouer. Quels seront les jours marqués pour nous à l’horloge du destin ? Quel avenir nous attend dans cette immensité sauvage, à la fois bienfaisante et redoutable ?…

Pendant que mon père languit et se traîne du poêle à la chaise, et de la chaise au lit, je m’occupe avec ma mère du nettoyage de la maison et du linge, de la préparation des repas, et aussi de traire et de soigner notre vache qui vit seule, à deux pas de nous, dans sa cabane de bois rond. Car nous avons une vache, et elle se nomme Rougette. C’est la plus jeune des cinq que mon père possédait quand nous étions au village de X. Elle est d’un beau brun rouge, avec une ligne blanche autour du cou — ce qui lui fait un collier charmant. Ses yeux sont de velours, et son regard est presque humain. Nous l’aimons, Dieu sait combien ! Son lait, qu’elle donne en abondance, nous est précieux, surtout depuis que nos autres provisions s’épuisent.

15 novembre. — Nous avons eu hier soir une surprise épouvantable. Ce matin encore j’en suis si tremblante que j’ai peine à tenir ma plume. Il est impossible d’imaginer une chose aussi effroyable. Heureuse-