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Mais elle demeurait toujours triste et distraite, se mêlant bien peu aux conversations. Sa pensée était ailleurs. Elle avait hâte de monter à sa chambre pour se souvenir à son aise. Alors, elle pensait à petit Pierre, à ses grands yeux toujours rivés sur elle, à ses cheveux dorés qu’elle peignait, à ses petits pieds qu’elle chaussait et déchaussait… Son cœur se gonflait de tristesse contenue. Elle comptait les jours qu’il lui restait à vivre dans cette maison ; et parfois, s’enfouissant la tête dans les oreillers, lasse de fatigue et d’ennui, elle s’endormait en pleurant…

Les froids allaient venir. Déjà les « grandes mers » d’automne lançaient sur la grève leurs attaques formidables. Les feuilles commençaient de tomber et le vent les faisait tourbillonner, les unes sur la route comme des oiseaux blessés, les autres sur les flots, comme des flottilles en détresse. Dans les jardins, des femmes et des filles, par groupes, faisaient la cueillette des légumes. Les pêcheurs ramassaient leurs filets ; les bateaux rentraient au port. Madame Élise scrutait chaque jour le large et guettait les voiles nouvelles. Parmi les goélettes qui revenaient elle ne reconnut