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à petit Pierre qu’elle aimait tant, et qui était pour elle comme un trésor perdu. Elle songeait à ces heures paisibles où elle l’endormait dans ses bras, le bordait dans son petit lit. Elle se rappelait ses frêles doigts attachés à son cou et ses grands yeux tristes qui la regardaient si candidement… Ah ! comme elle aurait voulu être encore auprès de lui, même pour le veiller nuit et jour comme au temps de sa grosse maladie !…

Les jours et les semaines passaient. L’ennui d’Angèle devenait une obsession. Il lui semblait qu’elle était en exil et que cet exil n’aurait pas de fin. Les heures lui paraissaient longues comme des années. Madame Elise, s’apercevant sans doute de sa mélancolie, se mit à rassembler des voisines pour veiller. Quand la température était propice, on s’asseyait sur le perron pour y jaser de mille et une choses. Les petits cancans, les histoires d’aventures, les récits d’autrefois allaient leur train. Quand le vent était froid ou qu’il pleuvait, elles se réunissaient toutes autour de la table de cuisine, sous la lueur d’une grosse lampe à l’huile. On apprit à Angèle à manier les cartes, et elle jouait chaque soir, avec les autres, plusieurs parties de « Charlemagne ».