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venaient, parfois, prendre part aux ébats. Sous les feux du jour éblouissant, dans la palpitante lumière des clairs après-midis, ils devenaient de plus en plus turbulents, et cela déplaisait fort à Angèle, car elle craignait que le petit Pierre ne fût renversé ou blessé dans l’excitation de leurs jeux. Aussi ne le quittait-elle pas des yeux. Elle le trouvait toujours plus beau que tous les autres, et, dans sa robe aux couleurs vives, parmi les boutons d’or et les marguerites, il lui semblait qu’il était une fleur merveilleuse, tombée, quelque part, des jardins célestes…

Un jour, vers l’âge de six ans, il fut pris de la rougeole. Comme il était chétif, cette maladie mit ses jours en danger. Durant deux longues semaines la fièvre le mina, et Angèle se désespérait de ne pouvoir rien faire pour arrêter ces crises et ces cauchemars. Elle ne voulut pas se coucher et resta jour et nuit autour du petit lit. Elle se reprocha amèrement de s’être endormie quelques fois, dans sa chaise pendant les nuits de veille. Il lui sembla qu’elle avait manqué à son devoir. Enfin, le médecin annonça qu’il était sauvé. Angèle put reprendre son sommeil, mais elle était si changée qu’on avait peine à la reconnaître.