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plus de ces soirs embaumés où l’amour sort comme par magie de tous les pores de la terre. C’était l’heure des rafales et des choses mortes.

Le haut peuplier, sous la fenêtre, achevait de perdre ses feuilles. Il n’en restait plus que trois, balancées furieusement par le lugubre vent de novembre. Et la vieille disait souvent : « Je partirai avec la dernière feuille. Quand on est vieux on ne tient plus qu’à un fil. Vois-tu, quand la dernière feuille tombera, ce sera mon tour »… Chacune de ces paroles entrait comme un dard cruel au cœur d’Octavie.

Et voilà la brave fille qui se met à chercher un moyen d’empêcher la dernière feuille de tomber. — « Tant que ma mère la verra, se dit-elle, elle aura plus de courage, et la guérison viendra. Il faut absolument qu’il reste une feuille au peuplier !… Mais rien n’empêchera les gelées de la dessécher cette feuille, et le vent de l’emporter… Il n’y a qu’une chose à faire, c’est d’en tricoter une… Quant à la forme j’en suis capable, en tricotant à mailles serrées. Le plus difficile c’est la couleur… Moitié verte, moitié jaune. Ah ! j’y arriverai bien… Moitié verte, moitié jaune… »