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sourire, et quelle voix charmante ! C’était plaisir de la voir passer dans le petit sentier pour aller soigner ses poules. Ce qu’elle leur en disait des choses, et ce que le soleil mettait de reflets sur son fin visage !

…Mais nous ne la verrons plus. D’autres printemps viendront, d’autres printemps et d’autres étés, et nous ne la verrons plus ouvrir ses volets au soleil, semer ses radis, jeter le grain aux poules, et mener dans les herbes humides sa vache aux cornes arrondies…

La belle Octavie ne s’est pas mariée. Et cela, non pas faute de prétendants, mais pour avoir soin de sa vieille mère. Elle lui garda toujours une vénération sans bornes qui fut la source de son inlassable dévouement. Chaque fois qu’un nouveau « cavalier » se présentait, la vieille, en suppliant, disait à sa fille : « Tu sais, mon enfant, je veux mourir dans ma maison ; tu n’es pas pour me laisser seule »… Et tout de suite la réponse venait, réponse dictée par l’amour qui va joyeusement jusqu’au sacrifice : — « Non, non, vous savez bien que je ne pars pas. Je ne m’en irai jamais ; soyez tranquille !… » Chaque fois, l’amoureux s’en allait, et la vieille recommençait à être heureuse.