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que notre malade se trouve bien malheureux. Et de plus nous craignons de manquer de provisions si cette maladie se prolonge. Mon frère, qui n’a que quinze ans, n’est pas habile à la chasse, et il ne connaît pas assez ces bois pour s’y aventurer seul. Comment pourrait-il se reconnaître dans un pareil enchevêtrement de troncs, de branches, de cavernes et de profondeurs ? Et la neige, qui tombe épaisse depuis le matin, va rendre la forêt encore plus impénétrable et plus mystérieuse.

12 novembre — La première neige est tombée. Les feuilles ont perdu le sang de leurs veines, et la forêt a des cheveux blancs. Le siège rustique que je me suis découvert dans le tronc d’un vieux chêne a maintenant un coussin de neige. Le cher petit oiseau à ventre rouge qui venait se percher près de moi a fui… Je n’entends plus de bruits d’ailes, je n’entends plus que la neige qui tourbillonne, enveloppante comme une ouate… L’hiver nous envahit, et c’est une force qu’on ne songe pas à repousser, tant elle est puissante, tant elle est au-dessus de nous… Les arbres sont comme de blanches apparitions qui tendent les bras. On croit les entendre respirer, on croit les