Page:Lamirault - La Grande encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, tome 21.djvu/428

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
KANT
— 406 —

de la raison pure (1781). Une connaissance théorique suppose à la fois intuition et liaison nécessaire. La première condition n’étant réalisable pour nous qu’à propos des choses sensibles, celles-ci sont les seules que nous puissions connaître théoriquement. Seconde édition de la Critique (1787). C’est une question très controversée de savoir si les changements que présente cette seconde édition portent sur le fond ou seulement sur la forme. Rosenkranz, Schopenhauer, Kuno Fischer tiennent pour une modification profonde, tendant à rétablir la chose en soi, qu’avait abolie, selon eux, la première édition. Selon le témoignage de Kant, la seconde édition fait simplement ressortir le côté réaliste de la doctrine, méconnu par certains lecteurs. L’affirmation de Kant se soutient très bien. La première édition n’abolissait pas la chose en soi, mais la connaissance théorique de la chose en soi, ce qui est très différent. — Prolégomènes à toute métaphysique future visant à se présenter comme science (1783). Ce court ouvrage donne une exposition analytique de la doctrine, et dissipe les méprises qui s’étaient produites au sujet de la première édition de la Critique. — Conception d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique (article de revue, 1784.). — Réponse à la question : Qu’est ce que les lumières ? (article de revue, 1784). Les lumières, dit Kant, c’est l’émancipation de l’intelligence, — Compte rendu de l’ouvrage de Herder intitulé : Idées concernant la philosophie de l’histoire de l’humanité (article de revue, 1785). Kant y repousse la doctrine de l’unité essentielle de la nature et de la liberté. — Etablissement de la métaphysique des mœurs (1785 ; 4e éd., 1797). Kant y détermine et y assure le principe fondamental de la moralité. — Principes métaphysiques de la science de la nature (1786 ; 3e éd., 1800). C’est l’établissement des axiomes de la physique pure. — Conjectures sur le commencement de l’histoire de l’humanité (1786). — De la Médecine corporelle en tant qu’elle ressortit a la philosophie, discours en latin (1786 ou 1788). – De l’Emploi des principes théologiques en philosophie (article, 1788). — Critique de la raison pratique (1788 ; 6e éd., 1827). C’est la détermination de la nature de la loi morale et du genre d’adhésion qui convient aux principes pratiques. — Critique de la faculté de juger (1790 ; 3e éd., 1799). Kant y traite da fondement et de la valeur des notions du beau et de la finalité. — Sur l’Illuminisme et les remèdes à y opposer (1790), dissertation écrite à propos de Cagliostro. — Sur l’Echec de toutes les tentatives des philosophes en matière de théodicée (1791). — La Religion dans les limites de la pure raison (1793 ; 2e éd., 1794). C’est la déduction ou légitimation de la religion. Cela seul y est fondé, qui se rapporte à la morale, Il faut tendre à rendre la religion purement rationnelle. — Sur le Lieu commun : cela est bon en théorie, mais ne vaut rien dans la pratique (article de revue, 1793). Kant y rejette cet aphorisme, non seulement en ce qui concerne la moralité, mais encore en ce qui concerne le droit politique et le droit des gens. — De l’Influence de la lune sur le temps (article, 1794). — De la Paix éternelle, Essai philosophique (1795). Kant place dans la paix éternelle le but du développement historique de l’humanité, et cela, non en vertu du sentiment, mais en vertu de l’idée de justice. — Principes métaphysiques de la théorie du droit (1797 ; 2° éd., 1798). C’est la théorie du droit ou de la légalité, telle qu’elle se déduit de la critique de la raison pratique, Principes métaphysiques de la théorie de la vertu (1797 ; 2e éd., 1803). C’est la théorie de la moralité, telle également qu’elle suit de la critique. Ces deux écrits ensemble portent le titre de Métaphysique des mœurs. — La Dispute des facultés (ouvrage auquel est joint un article de 1797 : Sur la Puissance qu’a l’esprit de se rendre maître de ses sentiments maladifs par sa seule volonté (1798). C’est le conflit de la faculté de philosophie, représentant la vérité rationnelle, avec les trois autres, théologie, droit et médecine, qui représentent les disciplines positives. — Anthropologie traitée au point de vue pragmatique (1798 ; 2e éd., 1800). L’anthropologie pragmatique est l’art de tirer parti des hommes en vue de ses propres fins. — Logique, ouvrage de Kant publié par Jäsche (1800) ; — Géographie physique, ouvrage de Kant publié par Rink (1802-3). — Sur la Pédagogie, ouvrage publié par Rink (1803). Ce sont des observations tirées d’un cours fait plusieurs fois par Kant sur ce sujet. — Passage des principes métaphysiques de la science de la nature à la physique, ouvrage resté inachevé, écrit entre 1783 et 1803, publié d’abord par Reich de 1882 à 1884, dans les Altpreussische Monatschriften, puis, plus complètement, par Albrecht Krause (1888). C’est le progrès de la déduction allant de la métaphysique de la nature matérielle à la physique expérimentale considérée comme science, c.-à-d. comme système. — Réflexions de Kant sur la philosophie critique, publiées par Benno Erdmann (1882-84). — Lettres. Elles ne sont guère qu’au nombre de 100, dont 19 adressées à Marcus Herz.

II. LA PÉRIODE ANTÉCRITIQUE. — (Sources : les ouvrages compris entre 1747 et 1770 inclusivement.) Kant écrit le 20 août 1777 que ses recherchés, jadis spéciales et fragmentaires, ont pris enfin une forme systématique et l’ont conduit à l’idée du tout. Le développement de la pensée kantienne présente donc en premier lieu une longue période de formation, pendant laquelle des travaux de nature diverse sont d’abord entrepris pour eux-mêmes sans préoccupation de vue d’ensemble, puis confrontés les uns avec les autres à un point de vue philosophique. Ainsi Kant, dans le progrès de sa réflexion, va des parties au tout. Son idée maîtresse se forme par synthèse. Cette première période s’étend jusqu’à l’époque de l’élaboration de la critique, c.-à-d. jusqu’à l’année 1770 inclusivement.

Le point de départ de la pensée kantienne, c’est, d’une part, un fonds de croyances chrétiennes et plus spécialement piétistes, la foi au devoir, le culte de l’intention morale, la conviction de la supériorité de la pratique sur la dogmatique ; de l’autre, un sens très vif et très pur de la science, la résolution de ne se régler, en ce qui concerne la connaissance de la nature, que sur l’évidence de l’expérience et des raisonnements mathématiques. Dès lors, c’est la question des rapports de la science et de la religion qui va s’agiter dans l’esprit de Kant, et cela, après que religion et science s’y seront développées indépendamment l’une de l’autre, chacune selon la méthode qui lui est propre.

Pendant la période antécritique, Kant inédite tour à tour sur les différents objets que lui présentent ses études ou les circonstances.

Il est d’abord leibnitio-wolfien (1747-55), mais avec une tendance à accentuer la différence du mathématique et du réel.

Bientôt, avec Newton, il spécule sur le mécanisme céleste (1751-63). Comme lui, il ne fera usage que de l’expérience alliée aux mathématiques. Mais Newton n’a pas posé le problème de l’origine. Kant croit que la méthode qui a pu établir le système peut de ce système même remonter à la genèse : les forces qui conservent doivent être aussi celles qui ont créé. Et il entreprend de tracer l’histoire, non seulement possible, mais effective, de la formation du monde. A l’origine était une matière élémentaire homogène, mue par des forces d’attraction et de répulsion, un chaos gazeux. Cette matière était maintenue à l’état de ténuité extrême par une température très élevée. Sous l’influence des forces qu’il renferme, ce chaos est animé, dans son ensemble, d’un mouvement rotatoire. Par le seul effet de ces conditions physiques, l’homogène va se différencier. La rotation détermine la formation de nébuleuses, animées elles-mêmes d’un mouvement de rotation. A leur tour, ces nébuleuses, par l’effet de la force centrifuge, donnent naissance à des anneaux, lesquels représentent les orbites des planètes à venir. Puis les anneaux se brisent et se rassemblent en planètes. De la même manière se forment les satellites. La valeur scientifique de cette théorie est recon-