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KANSAS - KANT
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compagnie de nègres et le premier officier noir ; le premier député noir dans sa législature.

KANSAS City. Ville des Etats-Unis, Etat de Missouri, en aval du confluent du Kansas ; 132 716 hab. Elle comprend la ville basse, bâtie d’abord, avec ses rues tortueuses et boueuses, ses maisons de bois et ses immenses marchés aux bestiaux et abattoirs ; la ville haute, au S., avec ses larges rues rectilignes, ses maisons bourgeoises, ses Hôtels, églises, écoles. Kansas City ne fut qu’un village jusqu’au jour ou le chemin de Fer du Pacifique y passa (1865). Aussitôt ce devint l’entrepôt du commerce entre les anciens Etats et le Far West. Ses chemins de fer rayonnent dans tous les sens. De 4 000 hab. en 1860, la population monta à 32 000 en 1870, 33 000 en 1880, 132 716 en 1890).

KAN-SOU. Une des dix-huit provinces de la Chine propre : 325 000 kil. q. ; 9 300 000 hab. (d’ap. l’Alm. de Gotha de 1894. Le Kan-sou est borné au N. par la Grande Muraille qui le sépare de la Mongolie intérieure, puis par le Dzassaktou-khanat et par le district de Kour-kara-ousou : à l’O. par les districts de Mari char et de Koukou-nor ; au S. par le district de Koukou-nor et la province de Setch’oan ; à l’E. par la province de Chen-siet la Mongolie. Le désert de Gobi, qui s’étend à l’O. de la passe de Kiayu-koan, divise le Kan-sou en deux parties entièrement différentes, l’une ou la population est chinoise et sédentaire, l’autre ou elle est mongole et nomade. Le Kan-sou n’a été détaché du Chen-si et érigé en province distincte que sous le règne de Kien-long (1736–4795) ; il a conservé même de nos jours quelques liens administratifs avec le Chen-si, car il forme avec lui la vice-royauté de Chenkan. Le nom de Kan-sou a été tiré des noms réunis des deux villes de Kan-tcheou et de Sou-tcheou ; aucune de ces deux cites cependant n’est la capitale de la province ; ce rang appartient à la ville de Lan-tcheou (V. ce mot). Le Kan-sou comprend quinze préfectures de première et de seconde classe ; ce sont celles de Lan-tcheou, Pingleang, Kong-tchang, King-yang, Ning-hia, Si-ning, Leang-tcheou, Kan-tcheou, Tchen-si (Barkoul), Kingtcheou, Kie-tcheou, Tsin-tcheou, Sou-tcheou, Ngan-sitcheou et Té-hoa-tcheou. E. Chavannes.

Bibl. : S. Wells Williams, Topography of the province of Kansuh, dans Chin. Repository, vol. XIX, pp. 551 et suiv. — Richthofen, China, vol. ii, ch. xiii.

KANSK. Ville de Sibérie, gouvernement de Iéniséisk, ch.-l. de cercle, sur la rive gauche du Kan ; 4 000 hab. Salines, commerce de pelleteries. Elle est sur la grande route de la Sibérie du S. — Le cercle a 83 063 kil. q.

KANT (Immanuel), philosophe allemand, né à Kœnigsberg le 22 avr. 1714, mort à Kœnigsberg le 12 févr. 1804. La philosophie de Kant est l’un des faits les plus considérables de l’histoire de l’esprit humain. Selon le célèbre historien de la philosophie moderne, Kuno Fischer, elle ne représente rien moins qu’une révolution analogue à celle qu’accomplit Socrate, quand il rappela l’homme de l’étude du monde à l’étude de soi : elle donne en effet pour tâche à l’esprit humain, non plus de trouver les principes de l’être et de se former une conception de l’univers, mais de rechercher les conditions de la connaissance, l’origine et la valeur des éléments de nos représentations. Tout récemment encore Windelband écrivait que le rationalisme de Kant est la concentration en une unité vivante de tous les principes moteurs de la pensée moderne. Et il est certain tout d’abord que la philosophie de Kant préside au développement de la philosophie allemande. De Fichte ou de Schelling à Wundt ou à Riehl, il n’est point de philosophe allemand qui ne continue ou n’élabore les idées kantiennes. En dehors de l’Allemagne, le kantisme exerce une influence de plus en plus forte, à mesure qu’il est mieux connu. Réfuté par les uns, accueilli par les autres, il est un des facteurs essentiels de la pensée philosophique. Chez nous, en particulier, au vif intérêt historique dont il est l’objet se joint plus que jamais un intérêt théorique : non seulement il existe un néo-criticisme français qui est très prospère, mais il ne parait guère de dissertation philosophique où ne soit discuté le point de vue de Kant ; et son influence se fait sentir jusque dans les domaines de la littérature et de la vie sociale. Exposer le véritable caractère d’une doctrine ainsi mêlée aux spéculations présentes est chose difficile ; le plus sûr sera de faire abstraction des divers développements qu’elle a pu recevoir, et de s’en tenir à une scrupuleuse analyse des propres écrits du philosophe.

I. Biographie. — (Sources : la correspondance de Kant ; la 2e partie du t. XI de l’édit. Rosenkranz et Schubert des œuvres de Kant, Kuno Fischer, Gesch. d. n. Phil., t. III.)

Kant est un contemporain de Frédéric II et de la Révolution française. Ses principaux ouvrages parurent de 1770 à 1797. Il goûta plus les triomphes du droit que ceux de la force, mais il ne consentit jamais à séparer la liberté de l’ordre et de la discipline. Le milieu moral où sa pensée s’est développée consista, d’une part dans le piétisme, de l’autre dans la philosophie du XVIIIe siècle. Le piétisme, opposé au protestantisme théologique et abstrait, mettait la pratique au-dessus du dogme, exaltait le sentiment, la dévotion, la piété intérieure, l’interprétation individuelle des Ecritures. La philosophie du XVIIIe siècle, la philosophie des lumières, selon le nom qu’elle porte en Allemagne, enseigne que tous les maux dont souffre l’humanité résultent de l’ignorance et de l’asservissement qui en résulte, et que le progrès des lumières procure nécessairement le bonheur avec l’affranchissement.

La vie de Kant se divise assez naturellement en trois périodes, qui correspondent aux phases de son développement philosophique : 1o  la jeunesse, de 1724 à 1755, époque des études et des premiers essais ; 2o  le stage comme privatdocent, de 1755 à 1770, époque des travaux antécritiques ; 3o  le professorat, de 1770 à 1797, époque des travaux critiques et du développement doctrinal.

1. Immanuel Kant naquit à Kœnigsberg le 22 avr. 1724. Cette ville, où devait presque sans interruption s’écouler toute sa vie, était le centre d’un commerce considérable ; Juifs, Polonais, Anglais, Hollandais y affluaient : le philosophe y trouva matière à observations psychologiques et morales. Kœnigsberg, ville d’université, était, en outre, le centre de la vie intellectuelle et politique du duché de Prusse. La famille de Kant était d’origine écossaise. Son nom s’écrivait Cant, et c’est lui-même qui en changea l’orthographe, parce qu’en allemand Cant se prononce tsant. Le père de Kant était sellier. C’était un homme de mœurs rigides, qui resta pauvre. Sa mère, Anna-Regina Reuter, était, nous dit-il, très intelligente, avait le cœur haut placé et, foncièrement piétiste, entendait la religion d’une manière sérieuse et intime, sans mélange de mysticisme ou de fanatisme, Kant fut le quatrième enfant de cette famille, qui en compta onze. La gravité, le respect des choses morales et religieuses présidèrent à son éducation. Il reçut docilement cette influence et en conserva le plus vif et le plus reconnaissant souvenir.

A l’âge de neuf ans il entra au collège Frédéric, dirigé par Schulz, professeur ordinaire de théologie à l’université de Kœnigsberg. Schulz fut le premier maître de Kant. Ardent piétiste, il imprégnait tout l’enseignement de son esprit. Kant apprit, auprès de lui, à mettre la piété intime de l’âme au-dessus du raisonnement, la pratique au-dessus du dogme. On remarque qu’il a toujours parlé avec respect et reconnaissance de ses maitres piétistes. Est-ce le philosophe, est-ce l’ancien piétiste qui écrit en 1782, dans l’épitaphe du pasteur Lilienthal qui avait marié ses parents : Was uns zu thun gebührt, des Sind wir nur gewiss (ce que nous devons taire, voilà la seule chose dont nous soyons certains) ?

Kant passa sept années au collège Frédéric. Il s’y passionna notamment pour le latin et pour le stoïcisme romain, en qui il trouvait la religion de la discipline. Jusqu’à la fin de sa vie il répéta, comme une devise, les vers de Juvénal :

Summum credo nefas animant prœferre pudori
Et propter vitam vivendi perdere causas.