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GUTTA-PERCIIA

dans les conditions atmosphériques où le verre est rendu bon conducteur. Aussi trouve-t-clle l’un de ses principaux usages dans la confection des enveloppes destinéees à isoler les conducteurs électriques. La gutta est insoluble dans l’eau à toutes les températures ; les huiles volatiles, les huiles de schiste, la benzine la dissolvent partiellement à froid, mais presque en totalité à chaud. Ses meilleurs dissolvants sont le sulfure de carbone et le chloroforme qui peuvent en absorber des proportions notables. La gutta résiste, plus encore que le caoutchouc, à l’action des alcalis et de la plupart des acides ; cependant les acides chlorhydrique et sulfurique agissent sur elle à la longue et la rendent cassante ; l’acide nitrique concentré l’attaque vivement. Exposée à l’air, elle absorbe l’oxygène en perdant ses propriétés caractéristiques ; cette oxydation n’a plus lieu lorsqu’elle est immergée dans l’eau ou lorsqu’on la conserve à l’abri de la lumière. Elle doit être considérée comme un mélange de trois principes immédiats : la gutta, l’albane et la tluavile qui s’y rencontrent dans les proportions suivantes :

Gutta. . .

Albane..

Fluavile .

75 à 8*2

19 à 14

6 à 4

La gutta proprement dite est un carbure (C 20 H 10 ) dur et corné à froid, insoluble dans l’alcool bouillant, qui possède en gros les propriétés du mélange. L’albane est une substance oxygénée, résineuse, soluble dans l’alcool chaud et fusible seulement à 140°. La fluavile est une résine jaunâtre, dure et cassante, qui se dissout dans l’alcool froid. La composition élémentaire de ces deux résines correspond aux nombres suivants :

Albane Fluavile

Carbone 78^87 78^95 83,36 83,52

Hydrogène 10,58 10,31 11,17 11,42

11 résulte de là que la gutta-percha prise dans son état primitif et telle qu’elle est contenue dans les sucs végétaux, avant toute réaction de l’air et de la lumière, parait être constituée principalement par des carbures multiples de la formule C 10 H S , qui, sous l’influence de l’oxygène, s’oxydent lentement en se changeant partiellement en produits résineux. Le mélange de semblables produits oxydés avec les carbures primitifs constitue la gutta-percha du commerce. C. Matignon.

II. Chimie industrielle. — Analyse de la gultapercha industrielle. — Il y a un grand intérêt à déterminer dans la gutta-percha commerciale la proportion de gutta pure qu’elle contient, puisque cette substance seule lui communique ses qualités et lui donne de la valeur. De plus, il est nécessaire de s’assurer que le nettoyage du produit brut a été bien effectué et que la proportion d’eau contenue est insuffisante pour favoriser l’oxydation de la gutta-percha. M. Montpellier, chimiste de l’administration des postes et des télégraphes, est l’auteur d’une méthode d’analyse complète de la gutta-percha qui donne les meilleurs résultats. On y dose Veau, les impuretés, les cendres, la gutta pure et les résines : albane et fluavile. 1° Dosage de L’eau. Ce dosage se fait en chauffant un poids connu de l’échantillon à examinera une température de 100-110°. La perte de poids donne la quantité d’eau. M. Montpellier fait remarquer avec justesse que, dans cette opération, la gutta-percha, chauffée au contact de l’air, s’oxyde assez rapidement en donnant lieu à une augmentation de poids qui pourrait dépasser celui de l’eau évaporée. L’auteur évite cet inconvénient en desséchant la gutta-percha dans un courant d’acide carbonique ou d’azote. 2° Dosage des impuretés. On effectue ce dosage en prenant de 0,5 à 1 gr. de gutta-percha que i on divise en menus fragments et que l’on épuise à l’aide du chloroforme qui dissout la gutta-percha, laissant les impuretés que l’on pèse après dessiccation.

3° Dosage des cendres. Le dosage des cendres se fait en incinérant un poids connu de gutta-percha dans une capsule tarée. La proportion de cendres est généralement très faible ; elle ne dépasse jamais 0,570. 4° Dosage de la gutta pure et des résines. On pèse 1 gr. de gutta-percha divisée en menus fragments que l’on épuise avec de l’alcool absolu bouillant. L’opération dure plusieurs heures et a pour but de dissoudre les résines, l’albane et la fluavile laissant la gutla pure et les impuretés dont on connaît déjà la proportion. Il suilit ensuite de peser après dessiccation dans une étuve traversée par un courant d’acide carbonique. La diminution de poids correspond à la quantité de résines dissoutes par l’alcool, augmentée du poids de l’eau (déjà dosée). D’après les nombreuses expériences de M. Lagarde, les gutta-percha employées comme diélectriques et ayant au maximum 0,5 °/ de matières minérales et 5 °/ d’eau sont considérées comme assez bonnes lorsqu’elles contiennent au moins 50 °/ de gutta pure, comme bonnes lorsqu’elles en ont au moins 60 °/ et comme très bonnes à partir de 65 °/ .

Usages de la gutta-percha. Depuis plusieurs siècles, les Indiens emploient la gutta-percha pour en faire des manches de cognée très résistants et pour confectionner des toiles imperméables et des chaussons. Actuellement, la gutta-percha est propre à une foule d’usages ; on s’en sert pour les réservoirs d’acides, d’alcalis, pour les récipients usités dans la galvanoplastie, pour les pompes, robinets, tubes, entonnoirs de tous genres. On en fait des cadres, des manches de couteau, des poignées de sabre, des cannes, des fouets, des boutons, des bouteilles, des courroies de transmission, des bobines, des rouleaux de filature et d’impression, des tubes acoustiques, des vêtements, des chaussons, des bustes et des statues, des instruments de chirurgie, etc. Par moulage, estampage, emboutissage, coulage, etc., on confectionne avec la guttapercha des corniches, des moulures, des lambris que l’on recouvre ensuite d’un vernis souple pour les préserver du contact de l’air. On emploie en grande quantité la guttapercha dans la préparation des moules en creux destinés à recevoir les dépôts galvaniques. En solution, on utilise la gutta-percha comme vernis hydrofuge pour le cuir, les tissus légers, les métaux ; pour ces emplois, il est bon d’y ajouter du suif, de la cire ou de la gomme laque. Geiseler a recommandé sa solution dans le chloroforme comme substitut du collodion. Mélangée à des résines, de la poix, etc., on peut employer la gutta-percha comme mastic. Lorsqu’on veut lui donner une élasticité et une souplesse plus grandes que celles qu’elle possède naturellement, on la mélange aux diverses proportions de caoutchouc. Si on veut, au contraire, lui donner plus de raideur et moins de fusibilité, on y incorpore 10 à 30 °/ de gomme laque. Mackintosh a proposé, pour atteindre le même but, de plonger la gutta-percha pendant quelques instants dans de l’acide sulfurique concentré et de la laver ensuite à grande eau. D’après Hall, on parvient à donner à la gutta-percha uue conservation plus longue, en la traitant à chaud par une solution de soude caustique (1 lit. d’eau pour 340 gr. de soude) qui élimine les parties altérables de la guttapercha. Lorsque la gutta-percha a été ramollie par la chaleur, elle peut être soudée à elle-même sans intermédiaire ; lorsqu’il s’agit de la fixer sur du cuir ou sur des corps analogues, la meilleure colle à employer est sa dissolution dans la benzine.

Comme corps mauvais conducteur de l’électricité, la gutta-percha est le plus important des matériaux employés à la construction des cables télégraphiques et à l’isolement des fils électriques, souterrains et aériens. 11 est nécessaire cependant dans cette application que la gutta-percha soit préservée du contact direct de l’eau ou de la terre humide qui peu à peu lui feraient perdre sa propriété isolante. La consommation de la gutta en Frauce s’élève à plus de 60,000 kilogr. Les quantités importées en Angleterre s’élèvent à plus de 1 million de kilogr.