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GROUCI.Y

pensé par le gracie de général de division (1793). Obligé de renoncer à son grade et de quitter l’armée par suite du décret de la Convention qui excluait les ex-nobles, il fut réintégre bieutut dans les cadres par décret spécial de la Convention (13 juin 1795). 11 alla servir dans l’Ouest, d’abord sous les ordres de Canclaux, puis comme chef d’état-major de Hoche, enfin à l’armée d’Irlande (1795- 97). En 1798, il fut envoyé en Piémont, sous les ordres de Joubert ; là, après avoir contraint le roi de Sardaigne à abdiquer, il fut nommé commandant en chef et eut à assurer l’occupation et l’administration du pays. Quelques mois plus tard, il était mis à la tête de l’une des divisions de l’armée d’Italie chargée d’opérer contre Souvarov. Il assista à la désastreuse campagne de 1799 : le jour de la bataille de Novi, il commandait l’aile gauche de Joubert. Ce fut lui qui soutint la retraite : cerné dans les défilés de Pasturana, couvert de quatorze blessures, il resta aux mains de l’ennemi. Il fut échangé un an après et resta en France après le 18 brumaire, contre lequel il avait protesté par une lettre rendue publique. Bonaparte le plaça cependant à la seconde armée de réserve sous Macdonald, puis à l’armée du Danube sous Moreau : il y contribua glorieusement à la victoire de Hohenlinden (1800). Après la paix de Lunéville, il devint inspecteur général de cavalerie. A la même époque, le premier consul le chargea de conduire en Toscane et d’y faire reconnaître pour roi d’Etrurie le prince Louis de Parme (1801). Grouchy était alors tout à fait réconcilié avec le nouveau gouvernement ; en 1804, il adhéra sans difficulté à l’Empire, et depuis lors il se montra l’un des serviteurs les plus zélés de Napoléon. Il le suivit dans presque toutes ses campagnes : en Autriche d’abord, en 1803, à la tête d’une division gallobatave ; en Prusse et en Pologne, en 1806 et en 1807 ; en Espagne, en 1808 en qualité de gouverneur de Madrid ; en Allemagne, en 1809, comme commandant de la cavalerie de l’armée d’Italie ; enfin en Russie, en 1812, comme chef de l’un des trois corps de cavalerie. Pendant la retraite de Russie, l’empereur lui donna une marque de suprême confiance en le plaçant à la tète de Vescadron sacré, composé d’officiers et chargé de veiller sur sa sûreté personnelle. L’empereur ne lui ayant pas accordé le commandement d’un corps d’armée qu’il demandait, il ne servit pas en 1813 ; mais, à la fin de l’année, lorsqu’il vit le territoire menacé, il s’empressa de solliciter un commandement et fit bravement son devoir durant toute la campagne de France. Le 7 mai, il fut blessé grièvement à la bataille de Craonne. La première Restauration le dépouilla de son grade de colonel général des chasseurs, et Louis XVIII le mit en disponibilité, aussi fut-il l’un des premiers à offrir ses services à Napoléon lorsque celui-ci revint de l’île d’Elbe en mars 1813. Nommé aussitôt commandant en chef des 7, 8 e , 9 e et 10 e divisions militaires (dép. du Sud-Est), il se porta en toute hâte dans la vallée du Rhône où. le duc d’Angoulème tenait la campagne avec quelques troupes. Mais il n’arriva que pour recevoir l’épée du prince qui venait de signer avec le général Gilly la capitulation de La Palud. Il se borna à exécuter cette convention en faisant embarquer son prisonnier à Cette. L’empereur néanmoins fut si satisfait de sa conduite qu’il lui expédia sur-le-champ le bâton de maréchal (17 avr.). Peu après, il le rappelait à Paris pour siéger à la Chambre des pairs, puis il lui confiait un grand commandement dans l’armée qui allait se porter sur la Belgique à la rencontre de Blucher et de YVellington- Ici se place l’épisode capital de la carrière de Grouchy : nous voulons parler du rôle qu’il joua pendant la funeste campagne de Waterloo. Chargé du commandement supérieur de la cavalerie de réserve, il entra à Charleroi le 1 er juin 1813 et prit Fleurus le 16. La bataille générale s’engagea le même jour, et le maréchal, à la tête de l’aile droite, prit Ligny et obligea l’armée prussienne commandée par le général ’Blucher à la retraite. Chargé de poursuivre cette armée avec 33,000 hommes et d’empêcher sa jonction avec l’armée anglaise sous les ordres de GRAND" ENCYCLOPÉDIE. — XIX.

Wellington, il se dirigea, selon les instructions de Napoléon, sur la Meuse, Namur et Liège. Mais Blucher quitta cette ligne de retraite et fit la réunion de ses troupes le 17 à Wavre. Grouchy marcha donc sur Wavre le 18 où il trouva Thielemann avec 13,000 hommes de l’armée prussienne que Blucher avait laissés en arrière-garde tandis qu’il s’échappait avec trois corps d’armée sur Waterloo et passait la Dyle pour prendre Napoléon en flanc et en arrière et joindre Wellington. Quand Grouchy entendit le bruit effroyable de la canonnade de Waterloo, il ne voulut pas marcher au canon malgré les prières de ses généraux Gérard, Exelmans et Vandamme : il se tint à la lettre des instructions reçues le 17 de Napoléon. Son erreur vint de ce qu’il ne croyait pas avoir laissé échapper le gros de l’année prussienne et pensait l’avoir toujours devant lui. Il garda donc sa position vis-à-vis de Thielemann à Sartà-Valain. Il porte ainsi une grande part de la responsabilité de la terrible défaite de Waterloo. Son rôle en cette occasion a clé discuté passionnément, et il a passé une partie de sa vie ainsi que ses fils à tenter de se justifier. L’empereur le jugea sans doute bien sévèrement en disant : « A Waterloo Grouchy s’est perdu ; j’aurais gagné cette affaire sans son imbécillité. »

Quoi qu’il en soit, dès qu’il fut informé du désastre, il se replia sur deux colonnes sous les murs de Namur. Le 21 , il évacua cette ville et marcha vers Binant. C’est à Rethel seulement qu’il apprit la seconde abdication de Napoléon : il adressa aussitôt une proclamation à ses troupes et leur fit reconnaître Napoléon II pour empereur. Tandis que sa cavalerie recueillait les débris de l’armée sous Laon et Soissons, il se porta sur Reims avec l’infanterie. Le 28, il fut nommé par le gouvernement provisoire au commandement supérieur de tous les corps de l’armée et ramena sous les murs de Paris, conformément aux ordres du maréchal Davout, ses 45,000 hommes. Puis il déposa son commandement et quitta l’armée. Après la rentrée de Louis XVIII à Paris, il fut compris dans l’ordonnance de proscription du 24 juil. 1815 et passa aux Etats-Unis. Il habita cinq ans Philadelphie ou son fils le rejoignit en mai 1817. 11 fut poursuivi par contumace. Ses ennemis le tirent traduire devant le 2 e conseil de guerre de la 22 e division militaire pour le faire condamner à mort ; mais le conseil de guerre se déclara par deux fois incompétent, comme pour le maréchal Ney, et les poursuites furent abandonnées.

Le 24 nov. 1819, l’ordonnance d’amnistie ne le visa pas : les rancunes des royalistes et celles des militaires le firent exclure. C’est seulement en 1821 qu’une ordonnance royale spéciale mit un terme à son exil, lui permit de rentrer en France et le rétablit dans les titres et dignités qu’il avait à la date du 19 mars 1815, c.-à-d. à la veille des Cent-Jours : on le réintégrait seulement dans le grade de lieutenant général et non dans celui de maréchal. Il rentra à Paris et fut mis immédiatement à la retraite. De 1821 à 1830, sa vie fut peu enviable : mal vu à la cour qui refusait de donner du service à son fils, colonel de l’Empire, il était mal vu aussi de l’armée et plus mal encore du public qui avait accepté la légende de sa trahison en 1815. En 1829 et 1830, il eut à soutenir une polémique violente contre ses accusateurs et surtout contre son ancien lieutenant Gérard. L’opinion continua à lui demeurer hostile. Après la révolution de 1830, il fut rétabli par Louis-Philippe dans son grade de maréchal (19 nov. 1831), puis rappelé à la Chambre des pairs (11 oct. 1832). Grouchy s’y rangea dans l’opposition modérée. De nombreuses polémiques s’engagèrent au sujet de sa conduite en 1815 ; l’une des plus graves fut celle qu’il eut avec l’un de ses anciens divisionnaires, le général Berthezène. En 1846, Grouchy, souffrant de la poitrine, fit un voyage en Italie : il mourut au retour, sans avoir vu commencer sa réhabilitation, si ce n’est partiellement, par Jomini. Il laissait de son premier mariage une fille (la marquise d’Ormesson) et deux fils, officiers généraux, Emmanuel et Victor. Le pre- 30