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GRÈCE

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Dans les Cyclades, en Eubée, en Attique, l’ionien se subdivisait encore en un certain nombre de patois locaux. En littérature, il s’offre à nous sous deux aspects seulement, l’ancien et le nouvel ionien. C’est dans le premier qu’ont été composés les poèmes homériques, où se rencontrent, ça et là, quelques formes éoliennes.On peut citer, comme représentants du second, Hérodote et Hippocrate. — 4° Vattique, formé de l’ionien, et qui tenait le milieu entre l’âpreté dorienne et la mollesse ionienne. On le divise en vieux, moyen et nouvel attique. C’est le vieil attique qu’ont employé les tragiques et les premiers prosateurs tels que Gorgias, Antiphon, Thucydide. L’usage de ce dialecte s’est prolongé à peu près jusqu’à la fin de la guerre du Péloponèse’. Le moyen attique, qui a duré jusqu’à l’époque de Philippe, est représenté par Lysias, Isocrate, Xénophon, Platon. Au nouvel attique appartiennent les discours de Démosthène et surtout les comédies des poètes de la Comédie nouvelle, tels que Ménandre et Philémon. — Quand la Grèce eut perdu sa liberté, le dialecte attique, grâce à la longue prépondérance d’Athènes et auxgrandes œuvres qu’il avait produites, n’en domina pas moins dans la littérature et dans le langage ; la conquête macédonienne eut même pour effet de le répandre bien au delà des bornes de l’Attique : il devint, par exemple, la langue des Etats macédoniens de Syrie et d’Egypte, mais, en s’imposant à des hommes de races et d’idiomes si divers, il perdit peu à peu de sa pureté primitive. De là une nouvelle langue appelée langue commune ( ?) xoivi) BiâXsxxo ;). C’est celle dont se sont servis Polybe, Strabon, Diodore, Denys d’Halicarnasse, Plutarque. On "donne le nom à’atticistes à certains écrivains de cette période qui ont tenté de revenir aux formes de l’ancien attique pur ; les plus célèbres d’entre eux sont Lucien, Arrien, Elien.

La langue grecque ancienne est une des plus riches que nous connaissions. Par sa sonorité, son accentuation, d’où la prononciation tirait une variété d’intonations inconnue des langues modernes, la netteté et la finesse de son articulation, elle constituait un instrument plein de ressources pour l’expression des nuances les plus délicates de la pensée ou du sentiment. Elle disposait d’un grand nombre de synonymes, et l’on y distinguait ce qui manque à peu près complètement à notre langue, un vocabulaire poétique et un vocabulaire plus spécialement à l’usage de la prose. Elle possédait également une merveilleuse facilité à former des mots composés, d’où une nouvelle source de richesse. Un de ses principaux mérites — nous le constatons dans ce qui en reste — est la variété des formes verbales, plus nombreuses en grec qu’en latin. De là une foule de nuances dans la façon d’agencer la phrase, et une admirable précision dans la manière de rendre la subordination des différents membres qui la composent. Cette précision est encore augmentée par l’emploi de certaines particules, destinées à marquer des oppositions ou des rapports que le français sous-entend et qui font, en grec, ressortir les liens logiques de la pensée. — L’usage du grec n’est pas borné aux écrivains anciens, à ceux qu’on nomme classiques. Les savants, les érudits de la basse époque alexandrine, les Pères de l’Eglise d’Orient, comme saint Athanase, saint Grégoire de Nazianze, saint Basile, saint Grégoire de Nysse, saint Jean Chrysostome, ont composé leurs œuvres en grec. C’est de même en grec qu’ont écrit tous les auteurs de la période byzantine, depuis le commencement du règne de Justinien jusqu’à la prise de Constantinople par les Turcs (145 ;!). Après l’extinction du byzantinisme, la langue grecque ne disparut pas de l’Orient ni des provinces éloignées où, durant des siècles, l’action de Byzance s’était fait sentir. Pendant tout le moyen âge, le peuple n’a cessé de parler un idiome hellénique plus simple que la /.oiv7J, mais dérivé d’elle, et c’est de ce grec médiéval qu’est sorti le grec moderne en usage aujourd’hui dans le royaume de Grèce et dans les nombreux centres de race grecque tels que Constantinople, Salonique, Trieste, Smyrne, Beyrouth, Alexandrie, etc., ainsi que dans les iles de l’Archipel. Ce grec a donné lieu, de nos jours, à un grand nombre de travaux et à des polémiques très vives, justifiées par l’intérêt qu’excitent la Grèce redevenue libre et le rôle qu’elle est appelée à jouer dans le concert des Etats européens. Et, d’abord, il a soulevé la grande question de la prononciation. Nous prononçons, notamment eu France, le grec ancien à la manière dite érasmienne, c.-à-d. en négligeant l’accent et les aspirations, et en donnant aux voyelles la valeur des voyelles correspondantes en français. Les Grecs ont une prononciation toute différente : outre qu’ils font sentir l’accent et les lettres doubles (0, j), qu’ils donnent au 6, au y et au 8 un son assez éloigné de celui de notre b, de notre g et de notre d, ils prononcent certaines voyelles, et surtout les diphtongues, d’une façon très particulière, que domine, en quelque sorte, Yitacisme ou iotacisme, c.-à-d. la prépondérance du son i (ex., i = i, et /), u, et, oc, ut = i). Cette prononciation a été proposée par quelques-uns d’entre eux comme un modèle à suivre : elle reproduisait, à les entendre, la prononciation des Grecs anciens, ou du moins, s’en rapprochait beaucoup. Il est aujourd’hui démontré que les anciens avaient des règles de prononciation infiniment plus délicates, dont la prononciation moderne n’est qu’une corruption. Les modernes, en particulier, s’écartent sensiblement des anciens dans la valeur qu’ils attribuent à l’accent. Mais c’est là un fait acquis, et toutes les discussions que pourra susciter la prononciation du grec moderne n’auront sur la langue elle-même que peu d’influence. Il n’en est pas de même des controverses portant sur le vocabulaire. Deux partis se sont formés en Grèce, dans ces dernières années, sur la direction qu’il convient d’imprimer à la langue : l’un, qui voudrait la ramener autant que possible aux formes anciennes, par un respect très légitime pour le passé et le désir patriotique de resserrer les liens entre la Grèce d’aujourd’hui et celle d’autrefois ; l’autre, qui cherche à y faire prévaloir le langage populaire, tel qu’il s’est formé et développé, suivant les lois de la phonétique, à travers les siècles. Entre ces deux théories opposées, qui tirent chacune leur raison d’être du défaut de fixité de la langue et de la nécessité, pour le jeune royaume, d’acquérir promptement un instrument définitif, à la fois propre aux communications usuelles et à la littérature, des opinions mixtes, des compromis sont intervenus, sur la nature desquels nous ne pouvons nous étendre. Qu’il nous suffise de dire qu’en Grèce le Çifrifia irjç ^aSaiT-jÇ est toujours ouvert, et que, selon toute vraisemblance, le problème ne sera résolu que le jour où des écrivains d’un talent incontesté auront imposé l’autorité de leur exemple et donné au néogrec les modèles qui lui manquent encore. P, Girard. GEOGRAPHIE HISTORIQUE. — Les divisions historiques de la Grèce correspondent aux divisions naturelles, et la plupart ont déjà été signalées. D’autre part, chacune de ces contrées qui ont tenu tant de place dans l’histoire est l’objet d’un article détaillé. Nous nous bornerons donc ici à résumer l’ensemble de la géographie historique de la Grèce. Au N.,l’Epire et la Thessalie correspondent au versant occidental et au versant oriental, tout à fait séparés, bien que, de la haute vallée du Pénée, on puisse passer dans le bassin de Dodone ou de Janina. L’Epire, dont le nom veut dire continent, fut le berceau de plusieurs des races helléniques : les Thessaliens, les Hellènes proprement dits. Cependant il demeura en dehors de la vraie Grèce. Ses tribus méridionales ne se distinguaient guère de celles qui peuplaient l’IIellade occidentale. — La Thessalie, dont nous avons indiqué les limites entre l’Olympe, les monts Cambuniens, le Pinde, l’Othrys, le golfe Pagasique, le Pélion et l’Ossa, est un bassin fermé, le plus fertile de la Grèce ; ses centres successifs lurent Arné, Ephy’ra, Larisse ; plus au S., Phères et Pharsale. Les riverains du golfe eurent leur centre à Iolcos, Pagase, Thèbes, Démétriade. Les régions montagneuses du N., de l’E. et du S., vécurent généralement à part. Au N., les Perrhèbes furent soumis ; mais, à l’E., la Magnésie resta distincte ; le bienfait de la liberté