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GEOGRAPHIE

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se lie intimement à celle de la lumière et de la température. Ainsi l’exposition au N. ou l’absence plus ou moins constante de soleil sur les pentes abruptes de certaines gorges de montagnes permettent à un grand nombre de plantes des altitudes de descendre dans les vallées bien au-dessous de leur limite moyenne de végétation ; l’exposition au midi, au contraire, favorise l’extension bien au-dessus de leur limite moyenne de végétation des plantes spontanées ou cultivées de la plaine ou des plantes de latitudes plus basses. Citons, d’après Ascherson, les vignobles, à exposition méridionale, des bords du Rhin et de Hegyalla, près de Tokay, tout près de la limite septentrionale de végétation de la vigne ; de même on voit dans les Alpes, notamment dans la Haute-Engadine, près de Samaden, la culture des céréales atteindre tout près de 4 ,800 m. d’altitude. L’altitude exerce sur la végétation une influence capitale ; la température s’abaissant graduellement à mesure qu’on s’élève sur les montagnes, il en résulte des modifications de la flore analogues à celles dues aux différences de latitude. Il est peu de chaînes de montagnes où les zones de végétation soient aussi nettement délimitées que dans les Alpes ; on peut donc les prendre pour exemple (V. Alpes [Flore], Europe [Flore] et France [Flore]). Influence réciproque des végétaux les uns sur les autres. — Les plantes recherchent naturellement les milieux qui leur conviennent le mieux, ceux où se trouvent réunies les différentes conditions nécessaires à leur développement ; ainsi les unes recherchent l’ombre, les autres les lieux découverts ; d’autres sont essentiellement rupestres, psammophiles, littorales, aquatiques, tourbeuses, etc. Les différents milieux affectionnés par les plantes portent le nom de stations. Dans ces stations, il n’est pas rare de trouver groupés de nombreux individus, soit de la même espèce ou d’espèces voisines, soit d’espèces très différentes, mais s’associant parce que les conditions nécessaires à leur développement sont identiques, ou qu’il existe entre elles une certaine solidarité. Parmi ces espèces sociales il en est qui sont conquérantes, qui se constituent leur domaine propre par envahissement et ne tolèrent que d’une manière limitée le voisinage des autres plantes ; tels sont les Graminées, les Cypéracées, les Rruyères, l’Arbousier, la Myrtille, le Cuis, les Sphaignes, etc. ; d’autres affectionnent simplement le voisinage d’espèces qui forment en réalité le fond de la végétation ; on peut citer comme exemple le Polygala. La solidarité entre ces végétaux associés est plus ou moins grande et peut présenter tous les intermédiaires entre la simple cohabitation et le parasitisme complet, en passant par le commensalisme. Citons particulièrement les plantes à suspension aérienne, telles que les Orchidées, les Broméliacées, etc., qui s’implantent sur les troncs, les rameaux et même les feuilles d’autres plantes ; ce sont presque exclusivement des plantes tropicales. Mais il ne s’agit pas ici de parasitisme vrai ; ces plantes ne se nourrissent pas du suc des végétaux qui leur servent de support, pas plus du reste que des éléments minéraux de l’atmosphère, mais elles trouvent leur nourriture dans les portions nécrosées des écorces et les sables amenés par le vent ; on a donné à ce genre d’association le nom de commensalisme. On peut rapprocher des végétaux aériens les lichens qui s’implantent sur le tronc des arbres, etc. Beaucoup de plantes, sans que leurs racines soient aériennes, peuvent se fixer occasionnellement sur les troncs et les branches dans les creux et les fentes, lorsque le bois est entré en décomposition, et il n’est pas rare de trouver dans nos forêts, tantôt des Fougères, des Graminées, tantôt des Lonicera xylosteum,h Douce amère, l’Ortie même à une certaine hauteur, sur de vieux arbres au tronc creux. Sans parler du Lierre, notre faux parasite par excellence, on peut encore comparer aux épiphytes les plantes volubiles, qui, bien que leurs racines soient fixées en terre ferme, ont besoin de l’appui des végétaux arborescents, pour se soutenir et arriver à leur complet développement. Aux plantes aériennes nous opposerons les plantes souterraines que leur existence saprophytique, plutôt que parasitique, dispense de la lumière ; tels sont les Truffes et autres Champignons voisins (Tuber œstivum, Chœromyces mœandriformïs, Elaphomyccs, Rhixopogon, etc.) ; du reste, tous les Champignons se nourrissent de la même manière et ne se rencontrent guère qu’à l’ombre des arbres dont les détritus leur servent d’aliment. Enfin citons comme vraiment parasites le Gui, la plupart des espèces de Cuscutacées, de Rhinanthacées, d’Orobanehées, de Rafflésiacées, etc., et le curieux Monotropa hypopitys qui forme à lui tout seul son genre et sa famille et se nourrit aux dépens des fines ramifications des racines de Pins à l’ombre desquels il vit et prospère (V. Association, Forme, Parasitisme). Habitations des plantes. — Chaque espèce végétale occupe sur le globe une aire déterminée plus ou moins grande, mais qui ne s’étend jamais à toute la surface de la terre. Il est même rare qu’une plante soit répandue sur plus d’un tiers de la terre ferme, dit Ascherson, auquel nous faisons de nombreux emprunts pour la rédaction de ce chapitre. Les plantes qui peuvent avoir une aire de cette étendue se rencontrent parmi celles de la zone tropicale ; environ trois ou quatre cents de ces plantes occupent toute l’étendue des tropiques ou même les dépassent quelque peu. Citons comme exemples les Lycopodium cernuiim, Pistia stratiotes, Eleusine indica, Argemone mexicana, Cleone (Gynandropsis) pentaphylla, Waltheria americana, Ricinus communis, Hydrocotyle asiatica, Cassia occidentalis, Mimosa asperata, Herpestes Monniera, Ageratumconyoides, dont quelques-unes sont sans doute arrivées par émigration de l’ancien dans le nouveau continent. Il s’agit là de l’extension topographique de plantes dans un climat déterminé. Il est bien plus rare de rencontrer une même plante à la fois dans deux climats différents ; nous pouvons cependant citer comme appartenant à la fois aux régions chaudes et tempérées les Pteris aquilina, Osmunda regalis, Juncus tennis, Potamogeton pectinatus, Ruppia maritima, Zannichellia palustris, Panicum crus galli, Dactylus officinalis, Eragrostis mi ?ior, Steltaria média, Portulaca oleracea, Oxalis corniculata, Solanum nigrum, Gnaphaliitiii luteo-album. Sont rares également les plantes des deux régions tempérées qu’on ne retrouve sous les tropiques que dans les montagnes : Lycopodium clavatum, Montia rivularis, Lythrum hyssopifolia, Taraxacum vulgare, etc. Ces plantes à aire très étendue ou interrompue sont souvent des espèces rudérales ou de mauvaises herbes, ou encore des Cryptogames et des espèces hvgrophiles. Les explications proposées pour rendre compte de la formation de ces aires étendues et interrompues sont peu satisfaisantes en général et nous n’entrerons pas dans leur discussion.

Du reste, l’immense majorité des plantes occupe des aires bien plus restreintes. On peut même signaler comme très faible le nombre des espèces qui s’étendent sur toute l’Europe, depuis les provinces arctiques de la Russie jusqu’à l’extrémité des péninsules méditerranéennes ; citons par exemple : Capsclla è)(r.sapas/o) , î’s(quiseretrouved’ailleurs à la Terre de I ? eu) et Thymus serpyllum. En revanche, le Circœa alpina, très répandu dans l’Amérique du Nord et en Asie, manque dans le N. de la Russie et dans les montagnes de l’Espagne et de la Grèce. Cette plante offre un exemple remarquable de ces aires géographiques allongées dans le sens Est-Ouest, qui sont beaucoup plus fréquentes que les aires allongées dans le sens Nord-Sud. Ces aires sont surtout fréquentes dans l’hémisphère boréal et sur l’ancien continent. Nous citerons entre autres la région forestière qui s’étend depuis la France jusqu’au Kamtschatka et qui est partout caractérisée par le Pinus sylveStris ; puis une zone s’étendant dans la région méditerranéenne depuis le Portugal jusqu’en Asie Mineure et en Syrie et caractérisée par I Anagyris fœtida, le Vitex agmis castus et le Nerium oleander ; enfin plus au S., dans la région saharienne, une aire qui s’étend depuis les Iles Canaries et