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Au dire de Suidas, Eschyle écrivit des chants élégiaques et 90 tragédies ; le biographe ne connaît que 70 tragédies et 5 drames satiriques ; mais nous possédons une liste de 72 titres, et, en y ajoutant 10 autres pièces dont les noms ont été transmis par divers documents, nous arrivons à un total de 82. Sur ce nombre, 7 seulement nous sont parvenues : Πέρσαι, Ἱκέτιδες, Ἑπτὰ ἐπὶ Θήβας, Προμηθεὺς δεσμώτης, Ἀγαμέμνων, Χοηφόροι, Εὐμενίδες, les Perses, les Suppliantes, les Sept contre Thèbes, Prométhée enchaîné, Agamemnon, les Choéphores, les Euménides, ces trois dernières formant la trilogie de l’Orestie. Voici la liste des tragédies dont quelques fragments ont été conservés : Ἀθάμας, Αἰγύπτιοι, Αἰτναῖαι, Ἀλκμήνη, Ἀργεῖοι (?), Ἀργώ, Βασσαρίδες, Γλαῦκος πόντιος et ποτνιεύς, Δαναίδες, Δικτυουλκοί, Διονύσου τροφοί, Ἐλευσίνιοι, Ἐπιγόνοι, Ἠδωνοί, Ἡλιάδες, Ἡρακλεῖδαι, Θαλαμοποιοί, Θεωροὶ ἢ Ισθμιασταί, Θρῆσσαι, Ἱέρειαι, Ἰξίων, Ἰφιγένεια, Κάβειροι, Καλλιστώ, Κᾶρες ἢ Εὐρώτη, Κρῆσσαι, Λάιος, Μέμνων, Μυρμιδόνες, Μυσοί, Νεανίσκοι, Νηρέιδες, Νιόβη, Ξάντριαι, Οἰδίπους, Ὅπλων κρίσις, Ὀστολόγοι, Παλαμήδες, Πενθεύς, Περραιβίδες, Πηνελόπη, Προμηθεὺς λυόμενος, πυρφόρος, Προπομποί, Σαλαμίνιαι, Σεμέλη ἢ Ὑδροφόροι, Τήλεφος, Τοξότιδες, Ὑψιπύλη, Φιλοκτήτης, Φινεύς, Φορκίδες, Φρύγες ἢ Ἔκτορο λύτρα, Ψυχαγωγοί, Ψυχοστασία, Ὠρείθυια. En outre, nous savons les titres de six autres tragédies : Ἀταλάντη, Βάκχαι, Λήμνιοι, Νεμέα, Πολυδέκτης, Φρύγιοι, qui sont entièrement perdues. Quant aux drames satiriques, voici ceux dont nous savons les titres : Ἀμυμώνη, Κερκυών, Κήρυκες, Κίρκη, Λέων, Λυκοῦργος, Προμηθὲς πυρκαεύς, Πρωτεύς, Σίσυφος δραπέτης, Σφίγξ. En général, ces drames satiriques étaient annexés à une trilogie dramatique ; or, il s’en faut que toutes les tragédies eschyliennes fussent groupées en trilogies. Le nombre de celles-ci est débattu. Son biographe dit qu’il remporta 13 victoires dans les concours, non compris ses victoires posthumes ; Suidas donne le chiffre de 27 victoires ; on suppose que celui du biographe ne s’appliquerait qu’aux trilogies. On admet qu’Eschyle commença par écrire des pièces isolées, sur le modèle des premiers tragiques Chœrilus et Pratinas, contre lesquels il concourut pendant une dizaine d’années avant de remporter son premier succès en 485 av. J.-C. Ensuite, il aurait rédigé des trilogies, qui, par l’addition d’un drame satirique aux trois tragédies, devenaient des tétralogies. D’autre part, dans les premiers temps, Eschyle ne mit en scène avec le chœur qu’un seul acteur ; plus tard, il en ajouta un second, comme dans les Perses et les Suppliantes, puis un troisième, comme dans les Sept contre Thèbes et Prométhée. Nous ne connaissons que quatre tétralogies : Φινεύς, Πέρσαι, Γλαῦκος, Προμηθεὺς πυρκαεύς, en 473 ; Λάιος, Οἰδίπους, Ἑπτὰ ἐπὶ Θηβάς, Σφίγξ, en 467 ; la Lycurgie, formée de Ἠδωνοί, Βασσαρίδες, Νεανίσκοι, Λυκοῦργος ; l’Orestie, formée de Ἀγαμέμνων, Χοηφόροι, Εὐμένιδες, Πρωτεύς, en 459. Il est extrêmement probable que les pièces relatives à Prométhée formaient aussi une trilogie. Par conséquent, des pièces qui nous sont parvenues, il n’y en a qu’une seule, les Suppliantes, dont on ne puisse pas certifier qu’elle ait fait partie d’une trilogie. Une seule trilogie a été conservée en entier, mais aucun drame satirique. Il est aisé de remarquer qu’Eschyle a traité sous la forme tragique presque tous les thèmes de la poésie épique, en particulier des pièces cycliques. Il ne s’en est écarté qu’exceptionnellement.

Dans les manuscrits, les sept tragédies se suivent ordinairement dans cet ordre : Prométhée, les Sept contre Thèbes, les Perses, l’Orestie, les Suppliantes. Les trois premières, les plus faciles à lire, étaient les plus souvent recopiées. Le manuscrit fondamental est le Mediceus (Laur., XXXII, 9) du xie siècle ; il a perdu au xve siècle quatorze pages, mais des copies faites vers le xiiie siècle renferment les morceaux perdus. Pour toute cette discussion comme pour celles relatives aux notes annexées par les scoliastes, nous renvoyons à l’édition. Les pièces conservées comptaient parmi les chefs-d’œuvre d’Eschyle et permettent de se faire une idée exacte de son génie. Les Perses sont la plus ancienne tragédie grecque à nous connue, et, en même temps, la seule qui traite un sujet historique ; il s’agit de la défaite des Perses à Salamine ; l’action est peu importante ; les récits tiennent une place prépondérante, en particulier celui de la bataille ; l’action consiste dans la propagation en Perse de la nouvelle du désastre. La pièce ne comporte que deux acteurs ; le premier jouant les rôles du messager et de Darius, le second ceux d’Atossa et de Xerxès. À Athènes, les Perses furent intercalés dans une tétralogie, entre Phinée et Glaucus suivi du Prométhée (drame satirique). On a beaucoup disserté sur le lien qui pouvait unir ces pièces entre elles. — Les Suppliantes (Ἱκέτιδες) sont la plus fruste des tragédies eschyliennes et celle qui donne le mieux l’idée de la primitive tragédie attique ; le texte en est très altéré ; l’individualisme y est peu marqué ; elle comportait deux acteurs, le premier jouant le rôle de Danaüs et celui du héraut ; le second, le rôle du roi. On a supposé, en raison du caractère monarchique de cette pièce, qu’elle fut écrite en Sicile à la cour d’Hiéron. On peut admettre qu’elle était la première d’une trilogie composée en outre des Égyptiens (Αἰγύπτιοι) et des Danaïdes (Δαναίδες) et à laquelle s’ajoutait comme drame satirique Ἀμυμώνη. Le thème d’ensemble était le retour des Danaens dans leur patrie, le massacre des Égyptiens et la fondation du peuple Danaen. — Les Sept contre Thèbes étaient la troisième pièce d’une trilogie consacrée à la famille d’Œdipe (Laïus, Œdipe étaient les deux premières) et complétée par le Sphinx, drame satirique. Dans le concours où elle remporta le prix, la seconde place fut attribuée à Aristras, fils du poète Pratinas, la troisième à Polyphradmon, fils de Phrynichus. Cette pièce est une des mieux composées ; à coté des passages épiques, elle en renferme d’autres d’un merveilleux lyrisme ; le personnage principal est Étéocle dont le caractère est développé avec une profonde psychologie. À côté des deux acteurs, le premier jouant Étéocle et Antigone, le second le messager et le héraut, il en fallut mettre en scène simultanément un troisième jouant le rôle d’Ismène. — Le Prométhée enchaîné (Προμηθεὺς δεσμώτης) appartient à cette même période où s’introduit le troisième acteur et se développe la machinerie ; par la métrique, cette tragédie se rapproche de celles de Sophocle et d’Euripide ; le plan en est très simple, l’action presque nulle, concentrée dans l’âme de Prométhée victime de Zeus. Comme dans les Sept contre Thèbes, la grandeur et l’énergie du héros sont mises en relief par l’opposition avec un chœur féminin. Le Prométhée d’Eschyle est par sa portée philosophique la création d’Eschyle qui a le plus frappé l’imagination des âges ultérieurs. Pour toute cette étude, nous renvoyons à l’art. Prométhée. La tragédie que nous avons était apparemment la seconde d’une trilogie, après le Prométhée inventeur du feu (Προμηθεὺς πυρφόρος) et avant le Prométhée délivré (Προμηθεὺς λυόμενος). — L’Orestie est la seule trilogie qui nous ait été transmise intégralement ; encore le drame satirique qui la complétait (Protée) a-t-il été perdu. Elle remporta le prix au concours de 459 av. J.-C. Elle forme un ensemble, dont les trois parties sont intimement liées, presque autant que les actes d’un drame moderne ; la première raconte le crime de Clytemnestre ; la seconde, la vengeance qu’en tire Oreste au prix d’un nouveau crime ; la troisième, l’expiation d’Oreste ; la première roule sur le conflit de la fatalité, les deux autres sur des conflits des devoirs. La plus dramatique est la première ; la dernière faisait à la scène une impression prodigieuse. Dans Agamemnon, non seulement les situations sont des plus pathétiques, mais les caractères sont admirablement tracés, surtout celui de Clytemnestre ; même les personnages secondaires sont dépeints avec soin et prennent un relief extraordinaire. Les Choéphores dont le début est lacunaire offrent cette particularité que nous